Depuis que j'ai un cobureau qui lit Libé, il me fait part des perles qu'il rencontre. L'article sur Bernard Maris en était une. Celui du jour s'intitule Todd découvre le protectionnisme. Preuve s'il en était besoin que c'est dans les vieilles casseroles qu'on fait les meilleurs populismes. Passons sur le fond : ceux intéressés par la question du protectionnisme pourront aller interroger Éconoclste, qui répond bien mieux que je ne pourrais le faire à cette question. On me signale dans mon oreillette que les usual suspects du Monde s'y sont collés aussi.

Ce que je remarque dans ce texte, c'est surtout la manière dont Emmanuel Todd et Marcel Gauchet refusent par avance d'entendre les arguments des économistes sur la question:

Le protectionnisme est une discussion qu'il faut avoir sur le fond. J'en ai plus qu'assez des arguments d'autorité des économistes. (Marcel Gauchet)

verrou intellectuel de la société française : le dogme du libre-échange (Emmanuel Todd)

Pour une fois que les économistes sont à peu près d'accord sur quelque chose, on préfère ne pas les entendre: c'est tellement plus facile de condamner le discours d'en face comme idéologique, ça évite d'avoir à se confronter à des arguments chiffrés. Mais le plus drôle dans l'histoire, c'est que sur le point considéré, il existe un large consensus... sur précisément les positions défendues par Todd et Gauchet : pour une économie importante, comme l'Union Européenne, qui n'a pas trop à craindre une détérioration des termes de l'échanges, le niveau optimal de protection à court terme est strictement positif. En d'autres termes, si on ne s'occupe que de l'UE, et que des cinq prochaines années, alors effectivement, la mise en place de barrières douanières est une bonne choses.

L'ennui, c'est qu'un tel exposé mettrait en valeur ce que Todd et Gauchet préfèrerait qu'on laisse sous le tapis : le protectionnisme a des effets néfastes sur la croissance mondiale à moyen terme, celle des pays pauvres en particulier, et à long terme sur celle de l'UE. Pas étonnant qu'ils n'en veulent pas discuter.

Au passage, le MEDEF écouterait ces propos d'une oreille complaisante. Cela ne m'étonne qu'à moitié, le MEDEF n'étant libéral que quand cela l'arrange.