Notes d'un économiste - Mot-clé - Livre numérique2021-05-21T15:18:09+02:00Mathieu Peronaurn:md5:939382452da12601e54815d01228196fDotclearApprentissage papier et apprentissage digitalurn:md5:749564a2bd38802b22846f33118f3e652015-04-22T11:48:00+02:002015-04-22T11:48:00+02:00Mathieu P.EnseignementC2iInformatiqueInnovationLiseuseLivre numériqueUniversité<p><strong>j'ai vu passer au cours des derniers mois plusieurs études prétendant établir que le papier et l'écriture manuscrite favorisent plus l'apprentissage que les supports numériques. Je n'ai pas d'avis sur le sujet mais il me semble que les fondements méthodologiques de ces études sont très discutables.</strong></p> <p>Prenons comme exemple l'<a href="http://pss.sagepub.com/content/early/2014/05/21/0956797614524581" hreflang="en" title="The Pen Is Mightier Than the Keyboard">étude</a> relayée par <a href="http://marginalrevolution.com/marginalrevolution/2015/04/why-you-should-take-notes-by-hand-not-on-a-laptop.html" hreflang="en" title="Why you should take notes by hand — not on a laptop">Alex Tabarrok</a> et <a href="http://www.vox.com/2014/6/4/5776804/note-taking-by-hand-versus-laptop" hreflang="en" title="Why you should take notes by hand — not on a laptop">Vox</a> (je donne les trois lien parce que la manière dont l'étude est interprêtée est importante). Cette étude montre que des étudiants prenants des notes à la main répondaient mieux à des questions conceptuelles que des étudiants prenant des notes sur un ordinateur portable. Le mécanisme serait que les étudiants écrivant à la main reformulent, et donc intègrent, ce qui est dit tandis que ceux qui ont un ordinateur font plutôt du <em>verbatim</em>.</p>
<p>Implicitement, on fait l'hypothèse ici qu'un des deux groupes est le groupe de traitement (mettons ceux qui utilisent des ordinateurs), tandis que l'autre est un groupe de contrôle. Sauf que ce n'est pas un bon groupe de contrôle. L'ensemble des étudiants, quelle que soit la technologie qu'ils utilisent actuellement, ont appris à lire et à écrire sur papier, et n'ont probablement commencé à utiliser un ordinateur que beaucoup plus tard (en particulier pour la prise de notes en cours). Et il est douteux que baucoup d'entre eux aient pris des cours formels de sténographie ou de typographie.</p>
<p>On compare donc des étudiants qui utilisent la technologie commune de référence pour l'apprentissage, et qui ont investi essentiellement dans celle-ci, à des étudiants qui ont investi dans une deuxième technologie en complément de la première. Il ne doit donc pas être étonnant que les seconds soient marginalement moins efficaces que les premiers sur un certain nombre de dimensions.</p>
<p>Maintenant, si on voulauit faire une expérience contrôlée propre, il faudrait que celle-ci porte sur des étudiants qui ont appris a écrire au clavier en même temps et avec le même volume horaire que pour l'écriture manuscrite, et qui ont appris à lire autant sur écran que sur papier. Et encore ne surmontera-t-on pas le fait qu'on n'a pas encore conçu de livre numérique susceptible de résister longtemps à ce que supportent les livres cartonnés destinés à la petite enfance.</p>
<p>En l'état, ce qu'on mesure, c'est avant tout que les étudiants ne sont pas correctements formés à l'utilisation des outils numériques dans un cadre éducatif. Ce qui, franchement, est tout sauf une surprise.</p>L'avenir des librairiesurn:md5:5995b7069d5238b5d72bf85aae0671102013-02-28T14:50:00+01:002013-02-28T14:50:00+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLibrairesLivreLivre numérique<p><strong>Je ne peux résister à l'envie de vous faire partager <a href="http://www.economist.com/blogs/prospero/2013/02/future-bookstore?fsrc=scn/fb/wl/bl/arealcliffhanger" title="The future of the bookstore">cet article</a> paru sur les blogs de <em>The Economist</em>, relatant une rencontre outre-Manche sur l'avenir de la librairie face à Amazon, Apple et consorts.</strong></p> <p>Portrait de la librairie de demain (en tout cas celle qui a une chance de survie) : “small, quiet spaces cocooned with books; larger spaces where one can dwell and read; other larger but still intimate spaces where one can hear talks from authors about books, literature, science, travel and cookery." (Alex Lifschutz, architecte).</p>
<p>Nous disions donc : des endroits pour s'asseoir et lire, boire un café ou discuter. Et aussi un vrai lieu culturel, proposant concerts, films et rencontres. Tout cela pouvant se valoriser par une structure de club, auquel seule l'appartenance donne accès aux salles de lecture, films et concerts (cela marche d'autant mieux que le club n'est pas limité à une seule librairie mais tisse un réseau).</p>
<p>Sur les livres eux-mêmes, il paraît évident qu'il faut cesser la segmentation du marché : livres physiques neufs ou d'occasion, impression à la demande, livres numériques, livres enrichis, tout cela doit pouvoir se trouver aisément au même endroit, quel que soit le support (tablette, liseuse, téléphone, papier).</p>
<p>Naturellement, tout cela animé par des personnels connaissant bien leur rayons, et qui ne vous prennent pas de haut si vous avez le malheur d'aimer un auteur qu'ils ne connaissent, n'apprécient ou pire, n'ont pas.</p>
<p>À en croire mes expériences récentes dans les librairies parisiennes, il y a du boulot. Et je ne me fais pas d'illusions : pour de pures contraintes d'espace et de capacité à investir, cela condamne une bonne moitié des librairies existantes, qui n'ont juste pas les moyens d'avoir assez de place pour proposer ces services.</p>Free Lunchurn:md5:4ac7f5f02895c6eff31200ab903c0ac92012-02-01T21:12:00+01:002012-02-01T21:14:08+01:00Mathieu P.Notes de lectureLiseuseLivre numériqueÉdition<p><strong>Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, je rappelle que les Presses Universitaires de Chicago offrent chaque mois un ebook gratuit.</strong></p> <p>Il suffit de s'inscrire <a href="http://www.press.uchicago.edu/books/freeEbook.html" hreflang="en" title="Chicago University Press Free ebook program">sur la page du programme</a>. Une idée à suivre pour un certain nombre de presses universitaires françaises (rue Saint-Guillaume, par exemple).</p>Mainstream en epub : mise à joururn:md5:894afecad1960b0834212ae3afeb483c2011-06-28T14:30:00+02:002011-06-28T13:57:26+02:00Mathieu P.Notes de lectureInformatiqueLivre numériqueÉdition<p><strong>Suite à mon <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29">billet à ce sujet</a>, j'avais transmis à Flammarion les problèmes que j'avais rencontré à la lecture de <em>Mainstream</em> en epub. L'éditeur a eu la délicatesse de me répondre, et même mieux que ça.</strong></p> <p>Je notais en premier lieu le prix anormalement élevé de la version électronique chez un des deux libraires en ligne que j'avais consultés. Flammarion m'assure qu'il s'agissait d'une erreur dans la récupération des flux de données par le libraire en question, et que si j'avais effectivement passé la commande, j'aurais eu la bonne surprise de voir apparaître le prix normal : 7€, au niveau de celui du livre de poche. Flammarion assure par ailleurs implémenter d'ores et déjà un prix unique pour ses livres numériques, en plus de sa politique de vente des epub au prix des livres de poche (quand ceux-ci existent, j'imagine).</p>
<p>Concernant les problèmes de typographie, Flammarion me dit que les fines insécables (les espaces devant précéder les ponctuations doubles en bonne typographie française) n'existent pas en epub, mais étaient quand même implémentées par leur logiciel de lecture, ce qui les a empêché de repérer le problème. On retrouve malheureusement là un problème qui n'était que trop courant aux premiers temps du Web : l'absence de conscience du fait qu'un produit doit être testé sur plusieurs plates-formes, de préférence les plus spartiates en termes de ressources annexes (polices installées, puissance du processeur, etc). Cela demande un surcroît de travail aux éditeurs, du moins en attendant l'émergence d'un standard suffisant (epub3 a l'air un bon candidat) bien respecté par l'ensemble des plates-formes de lecture.</p>
<p>Enfin, Flammarion de dit que la mise en place d'une table des matière plus riche ainsi qu'une plus grande interactivité font partie de leur projet futurs. Ils tâchent pour l'instant de parfaire la simple transposition à l'identique d'un livre papier, ce qui est encore très nouveau pour eux.</p>
<p>À la lecture ce cette dernière partie, je m'interroge (honnêtement, je ne connais pas grand-chose à cette partie du processus de fabrication) sur les technologies utilisées dans l'édition grand public. Ce n'est en effet pas la première fois qu'un grand éditeur fait état des difficultés à produire un fichier informatique présentant une interactivité minimale (notes, références, index). Je m'en étonne à chaque fois, venant d'un domaine où des amateurs (les chercheurs) produisent des documents où toutes les notes, tables, sommaires et autres entrées d'index peuvent produire des hyperliens. <a href="http://www.pse.ens.fr/junior/perona/WP/Perona-these.pdf" hreflang="fr" title="Manuscrit de la thèse de Mathieu Perona">Ma thèse</a> en est un exemple, encore que fort simple par rapport à ce que j'ai fait pour la thèse de ma femme (index multiples, par exemple). Les habitués reconnaîtront l'emploi du formateur de texte L<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/LaTeX" hreflang="fr" title="Article Wikipédia sur le formateur de texte LaTeX">aTeX</a> augmenté du paquet hyperref. Peut-être le livre numérique va-t-il obliger les éditeurs à une amélioration substantielle des logiciels qu'ils emploient.</p>Note de lecture : Mainstream (3/3)urn:md5:b425cd2fe309ba0fef3ece40e50293642011-06-15T18:44:00+02:002011-07-18T08:39:28+02:00Mathieu P.Notes de lectureLiseuseLivreLivre numériqueNote de lectureÉdition<p><strong>Après avoir dit tout le bien que je pensais de l'ouvrage <em>Mainstream</em> <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/13/Note-de-lecture-%3A-Mainstream">ici</a> et <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/14/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%282/3%29">là</a>, la troisième partie de cette note est destinée à exprimer toute ma frustration à l'usage de la version numérique de l'ouvrage.</strong></p> <p>Pour tout dire, c'est l'annonce de la parution de <em>Mainstream</em> sous format numérique qui m'a finalement décidé à le lire. J'ai malheureusement assez vite déchanté à l'usage. j'espère que ce coup de gueule attirera l'attention des auteurs et des éditeurs sur le fait qu'une version électronique d'un livre ne doit pas être un décalque de basse qualité de l'ouvrage papier.</p>
<h2>Jusque là tout va bien</h2>
<p>Cela commençait plutôt bien : cherchant le livre, je l'ai immédiatement trouvé sur ePagine au prix, fort raisonnable de 7€ (<a href="http://www.epagine.fr/listeliv.php?recherche=simple&mots=Fr%E9d%E9ric+Martel" hreflang="fr" title="Ouvrages de Fédéric Martel chez ePagine">ici</a>), soit moins cher que la version en poche (8,55€ à la Fnac). Surprise toutefois, la version électronique est également présente à la Fnac, mais proposée seulement sur la page de la version brochée et au prix de 14,90€ (<a href="http://livre.fnac.com/a2802681/Frederic-Martel-Mainstream" hreflang="fr" title="Mainstream à la Fnac">ici</a>). Je l'achète donc, et obtiens d'ePagine un lien de téléchargement.</p>
<h2>DRM mon amour</h2>
<p>L'ouvrage prend, c'était indiqué sur le site d'ePagine, la forme d'un fichier epub, protégé par les DRM Adobe Digital Edition. malheureusement pour moi, Adobe a décidé que le système que j'utilisais (Ubuntu Linux, dernière version et à jour), ne présentait pas les garanties de sécurité suffisantes pour qu'ils permettent d'y utiliser leur logiciel de gestion de bibliothèque, Adobe Digital Reader<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-1" id="rev-pnote-263-1">1</a>]</sup>. Évidemment, ce dernier s'installe sans piper mot sur un ordinateur utilisant Windows XP SP1, vérolé jusqu'à l'os et trou de sécurité ambulant.</p>
<p>Heureusement pour moi, ma liseuse est équipée d'Adobe Reader, qui gère ces DRM, et à une connectique Wi-Fi. J'ai n'ai donc eu qu'à y copier le lien de téléchargement et à m'enregistrer avec mon Adobe ID pour recevoir le fichier. Toutefois, j'ai rapidement constaté que la présence de DRM dégradait nettement mon expérience de lecture. À vrai dire, cela se sent très vite : si le changement d'une page est raisonnablement rapide, la liseuse met une bonne dizaine de seconde à ouvrir la première page de chaque chapitre. Avis au cryptographes : est-il raisonnable d'en déduire que cela correspond au décodage en bloc du chapitre ? Déjà pénible en soi, cela s'ajoute à un comportement étrange, peut-être propre à ma liseuse (mais j'utilise le logiciel d'Adobe, donc lui aussi est en cause) : souvent, en appuyant sur le bouton servant à aller à la page suivante, la diode d'activité s'allume, mais l'affichage reste le même. Nouvel appui, et je me retrouve deux pages plus loin, obligé de revenir une page en arrière. Le problème se corse d'ailleurs à chaque première page de chapitre, où le blocage se produit en direction avant comme arrière, la seule solution pour consulter la page concernée étant de changer la taille des caractères (ce qui permet ensuite de la consulter parfaitement normalement). Cela ne se produisant pas sur les epub sans DRM, je pense pouvoir pointer ceux-ci comme responsables de ces dysfonctionnements.</p>
<h2>Un ebook bâclé</h2>
<p>Ceci est toutefois secondaire par rapport à la qualité déplorable du fichier epub lui-même. Frédéric Martel faisant un large usage des citations, je me rends vite compte que le typographe électronique a oublié de mettre des espace insécables autour des guillemets. Je me retrouve ainsi à presque chaque page avec des guillemets ouvrants en fin de ligne ou des guillemets fermants en début de ligne. Cela me met la puce à l'oreille : dans l'introduction, je m'étonnais que Martel abuse autant du double point d'interrogation, finissant chacune de ses interrogatives par un ??. Je comprends alors que le point d'interrogation surnuméraire est en fait une espace insécable, mal codée. Le reste de la typographie est à l'avenant : l'usage des petites capitales pour les débuts de partie me gratifie d'un magnifique «
AU CœUR DES ÉCOLES DE CINÉMA AMÉRICAINES »<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-2" id="rev-pnote-263-2">2</a>]</sup>. Plus généralement, tous les noms que Martel a pris soin de retranscrire avec des diacritiques un peu exotiques s'en retrouvent endommagés, par exemple le « sho¯jo manga »<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-3" id="rev-pnote-263-3">3</a>]</sup>. Enfin, si le fichier a bien un sommaire utilisable (encore heureux), la table des matières n'est, elle, pas interactive (c'est-à-dire qu'elle ne permet pas d'aller aux chapitres listés, et comme elle ne donne pas non plus de numéro de page, elle est juste inutile).</p>
<p>Il m'a en outre semblé que l'éditeur aurait pu tirer un minimum partie du format électronique. Pour des raisons de taille, les notes de bas de page de l'ouvrage ont été écartées de la version papier : il faut aller sur le site de Frédéric Martel pour les lire. L'argument de place devenant caduc, on aurait pu imaginer que l'éditeur les réintègre dans la version numérique. Il n'en est rien, pas plus que les termes de l'index ne sont liés à leurs occurrences (ni dans sens ni dans l'autres, d'ailleurs), pas plus que le sommaire numérique ne propose un niveau de détail plus élevé que la table des matière papier (alors que l'organisation de l'ouvrage s'y prêtait, et qu'une telle table détaillée aurait constitué un moyen fort utile de navigation lorsque le format numérique et les DRM — honnis soient-ils — ne permettent pas un feuilletage confortable).</p>
<p>N'eut été l'intérêt du texte de Martel, ces défauts m'auraient fait abandonner la lecture de l'ouvrage. Je ne peux m'empêcher de me sentir passablement floué par Flammarion (qui a peut-être des explications à demander à son prestataire, Meta-systems, <a href="http://www.meta-systems.fr/" hreflang="fr" title="Site de Meta-Sytems">dont le site fait très Web 0.99</a>), de me fournir un fichier qui n'est même pas à la hauteur de son équivalent papier. Et je suis également déçu que l'éditeur n'ait pas jugé utile de fournir à ce livre numérique le minimum de fonctionnalités supplémentaires qu'on peut attendre de ce format pour un ouvrage de ce type.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-1" id="pnote-263-1">1</a>] Note pour les utilisateurs d'Ubuntu : Wine sait faire tourner un Adobe Digital Edition installé sur une partition Windows.</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-2" id="pnote-263-2">2</a>] Avec au passage une seconde erreur de typographie, puisque le A initial est aussi en petites capitales, alors qu'il devrait être en capitales normales</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-3" id="pnote-263-3">3</a>] Oui, je sais, les macrons,...</p></div>
Les éditeurs français et la CEurn:md5:f9740f3a53bacfa0dca80a51fc4b2b9f2011-03-02T14:33:00+01:002011-03-02T14:33:00+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLivreLivre numériqueprix uniqueÉdition<p><strong>La Commission européenne perquisitionne chez les éditeurs français, soupçonnés d'entente sur le prix des livre numériques.</strong><a href="http://www.01net.com/www.01net.com/editorial/529181/perquisition-chez-des-editeurs-soupconnes-dentente-sur-les-prix/?r=/rss/actus.xml" hreflang="fr" title="Perquisition chez des éditeurs soupçonnés d'entente sur les prix"></a></p> <p>Ainsi que plusieurs médias s'en font fait l'écho (par exemple <a href="http://www.enssib.fr/breves/2011/03/02/un-orage-s-abat-sur-les-editeurs-la-commission-europeenne-perquisitionne" hreflang="fr" title="Un orage s'abat sur les éditeurs : la Commission Européenne perquisitionne">sur le blog de l'ENSSIB</a>, chez <a href="http://www.01net.com/www.01net.com/editorial/529181/perquisition-chez-des-editeurs-soupconnes-dentente-sur-les-prix/?r=/rss/actus.xml" hreflang="fr" title="Perquisition chez des éditeurs soupçonnés d'entente sur les prix">01.net</a> ou chez <em><a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/tempete-editeurs-parisiens-perquisitionnes-commission-europeenne-45881.html" hreflang="fr" title="Tempête sur les éditeurs parisiens, perquisitionnés par la Commission européenne">Atanltico</a></em>), des enquêteurs de la Commission Européenne ont perquisitionné hier (mardi 1er mars 2011) chez les principaux éditeurs français, réquisitionnant ordinateurs et téléphones. Il s'agissait de trouver des preuves d'une entente sur les prix des livres numériques.</p>
<p>Tant 01.net qu'Atlantico relayent l'idée que la démarche procéderait d'une sollicitation par Amazon. Cette entreprise n'étant pas touchée par la loi sur le prix unique du livre numérique, elle doit être actuellement en train de négocier avec les éditeurs des contrats de mandat lui permettant de diffuser les livres numériques de leurs catalogues. Ces contrats permettent aux éditeurs de fixer le prix de vente final de leurs ouvrages mais sont négociés séparément. Il est en effet tentant d'imaginer que l'enquête constitue une réponse d'Amazon face à des proposition de prix et de marge qui lui auraient paru trop étrangement similaires pour n'avoir pas fait l'objet d'un accord.</p>
<p>Sans préjuger ce de cas d'espèce, on peut toutefois noter que pour le livre physique et même sans l'outil de coordination que constitue le prix unique du livre, les prix ont tendance à se concentrer sur des valeurs focales<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/03/02/Les-%C3%A9diteurs-fran%C3%A7ais-et-la-CE#pnote-248-1" id="rev-pnote-248-1">1</a>]</sup> découlant d'une coordination des anticipations sur la marché plutôt que d'une collusion.</p>
<p>Cette coordination requiert toutefois que les différents acteurs soient d'accord sur ce que sont les valeurs focales, correspondant à un certain équilibre du marché. Ce qui n'est pas le cas ici, la dispute entre les éditeurs et Amazon se nouant justement sur le fait que ce dernier veut proposer les titres à des prix que les éditeurs estiment trop bas (et surtout risquant de faire de la concurrence au livre papier).</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/03/02/Les-%C3%A9diteurs-fran%C3%A7ais-et-la-CE#rev-pnote-248-1" id="pnote-248-1">1</a>] Référence : Beck, Jonathan, F"ixed, Focal, Fair? Book Prices Under Optional Resale Price Maintenance"(December 2004). WZB, Markets and Political Economy Working Paper No. SP II 2004-15. Available at <a href="http://ssrn.com/abstract=645861" hreflang="en" title="Fixed, Focal, Fair? Book Prices Under Optional Resale Price Maintenance ">SSRN</a> or doi:10.2139/ssrn.645861</p></div>
Éditeurs et lecteurs, une relation difficileurn:md5:cf1369773bf1a53ee9e3bf609e1d86382011-02-01T12:03:00+01:002011-02-01T12:12:36+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLivreLivre numériqueprix uniqueÉdition<p><strong>Un <a href="http://owni.fr/2010/02/28/pourquoi-les-maisons-d%E2%80%99edition-ne-s%E2%80%99interessent-pas-a-l%E2%80%99edition-participative/#comments" hreflang="fr" title="Pourquoi les maisons d’édition ne s’intéressent pas à l’édition participative">billet</a> des étudiants de l'IPJ, repris par Owni, me semble illustrer les mouvements à l'œuvre dans l'édition (<em>hat tip</em> à <a href="http://www.sobookonline.fr/" hreflang="fr" title="SoBookOnline">@SoBookOnline</a>).</strong></p> <p>Le propos du billet ci-dessus s'articule en deux points. Premièrement, des plates-formes d'édition collaborative se mettent en place, sur la base d'un co-financement par les lecteurs. Si les résultats sont pour l'instant en demi-teinte, il s'agit d'une rupture fondamentale du fonctionnement de l'édition : publier un livre parce qu'il a, au départ, su se trouver un public suffisant plutôt que de publier une foule de livres dont l'éditeur pensent qu'au moins quelques-uns vont trouver un très large public (les <em>blockbusters</em>, qui compensent les pertes faites sur les autres livres). La pré-éminence de l'éditeur et sa figure de prescripteur (et donc d'intellectuel influent) s'en trouve menacé.</p>
<blockquote><p>Nous sommes éditeur classique depuis des années, pourquoi associerait-on le lecteur au processus de décision ?</p></blockquote>
<p>Deuxièmement, ce mode d'édition n'intéresse pas les grandes maisons. Vraiment pas du tout. Celles-ci offrent un discours fondé essentiellement sur l'idée que l'éditeur est mieux placé que les lecteurs pour savoir quoi publier. L'article cite ainsi un responsable de Dupuis : « Nous sommes éditeur classique depuis des années, pourquoi associerait-on le lecteur au processus de décision ? ». Cela rejoint évidemment le regard que Rémi Mathis portait sur le <a href="http://www.nonfiction.fr/article-3968-le_mepris_du_lecteur.htm" hreflang="fr" title="Le mépris du lecteur">mépris du lecteur</a> par les maisons d'édition françaises.</p>
<p>Cette attitude est sans doute à rapprocher de deux autres éléments saillants du fonctionnement de l'édition. Dans <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/01/31/On-en-cause-dans-le-poste" hreflang="fr" title="On en cause dans le poste">l'émission d'hier</a>, François Rouet faisait remarquer qu'une part considérable de la production éditoriale ressort de la commande, celle-ci pouvant passer par des canaux informels. L'édition participative, par nature, procède de l'examen de soumissions spontanées, terrain que les éditeurs français n'ont conservé que pour éviter qu'il ne devienne celui des agents littéraires. En outre, les lecteurs ne sont pas les clients des éditeurs, qui n'ont que peu de contacts avec eux. Exemple typique : il n'est pas possible d'acheter un Folio directement depuis <a href="http://www.folio-lesite.fr/Folio/livre.action?codeProd=A39473" hreflang="fr" title="Folio site de la collection">le site dédié</a>. il faut passer par un libraire. Ce sont ces derniers qui constituent le marché pertinent pour les éditeurs. Une fois les livres sur les tables, l'éditeur passe la main, et n'a ainsi que rarement contact avec les lecteurs. Ce qui n'aide évidemment pas à voir d'un bon œil des modes de valorisation qui passent justement pas plus de contact avec les lecteurs.</p>
<p>Je pense qu'on peut regarder avec intérêt le temps qu'il va falloir aux grandes maisons pour adopter des modèles plus hybrides.</p>On en cause dans le posteurn:md5:9295d72e90bbfd5c386825c3143caeae2011-01-31T23:51:00+01:002011-01-31T23:51:00+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLibrairesLivreLivre numériqueprix uniqueÉdition<p><strong>Jérôme Pouyet était ce soir l'invité de <em>Questions d'éthique</em> sur France Culture, à propos du prix unique du livre. Il discutait avec François Rouet, statisticien-économiste au Ministère de la Culture et de la communication.</strong></p> <p>Le site de l'émission est ici : <a href="http://www.franceculture.com/emission-questions-d-ethique-le-prix-unique-du-livre-numerique-2011-01-31.html" hreflang="fr" title="Questions d'éthique : le prix unique du livre">Questions d'éthique : le prix unique du livre</a>.</p>
<p>Rappel : l'opuscule est téléchargeable <a href="http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS19.pdf" hreflang="fr" title="Le Prix unique du livre à l'heure du numérique">sur le site du CEPREMAP</a>.</p>
<p>Bonne écoute !</p>Édition : vers un modèle cinématographique ?urn:md5:7a1c67653d9da4e890f3264f3ffdb5dc2011-01-26T16:55:00+01:002011-01-27T11:18:56+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLivreLivre numériqueÉdition<p><strong><a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/01/20/l-edition-numerique-accorde-les-memes-droits-d-auteurs-que-le-livre-imprime_1468239_3232.html" hreflang="fr">Le dernier en date</a> des plaidoyers <em>pro domo</em> d'Antoine Gallimard dans les colonnes du <em>Monde</em> a fait germer en moi l'idée que le numérique pourrait, au final, transformer l'édition dans le même sens que la <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/United_States_v._Paramount_Pictures,_Inc." hreflang="en">Paramount decision</a> avait révolutionné l'industrie cinématographique américaine.</strong></p> <p>Mon attention a été éveillée en lisant ces mots : « Editer, c'est mettre une oeuvre à la disposition des lecteurs, où qu'ils soient, dans une librairie ou devant un écran... C'est une même exploitation qui doit être coordonnée par l'éditeur, à qui il revient d'harmoniser la diffusion de l'oeuvre sur ces différents supports et canaux. »<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/26/%C3%89dition%C2%A0%3A-vers-un-mod%C3%A8le-cin%C3%A9matographique%C2%A0#pnote-237-1" id="rev-pnote-237-1">1</a>]</sup>. J'ai vu dans ces mots non pas le trompe-l'œil d'un éditeur chevalier blanc de la culture mais le rôle d'un coordinateur au centre d'un nœud de contrats : avec l'auteur, naturellement, avec les typographes, illustrateurs, imprimeurs, diffuseurs etc.</p>
<p>Pour Antoine Gallimard, il est naturel que ce rôle de coordinateur des contrats soit tenu par l'éditeur et que l'essentiel des transactions se fasse sur la base de contrats de long terme avec des partenaires réguliers. Il s'agit d'une application à l'édition du <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Studio_system" hreflang="fr">studio system</a></em> à l'édition : mêmes si elles ne les possèdent pas financièrement, les grandes maisons d'édition contrôlent l'ensemble de la chaîne, de l'auteur (avec des contrats pour plusieurs ouvrages) au libraires, le prix unique du livre et l'office assurant le contrôle de l'aval sans qu'une intégration verticale complète soit nécessaire.</p>
<p>Le cas du cinéma montre toutefois que d'autres modes d'organisation existent. Suite à la rupture de l'intégration verticale, le secteur américain du film s'est organisé autour du financement par projet. Chaque film réunit ponctuellement acteurs, metteur en scène, techniciens, producteurs sur un projet précis. En termes de contenu, cela s'est traduit par la disparition du contrôle total que les studios exerçaient sur le contenu des films (avec une part de censure interne considérable) et l'apparition d'un espace pour un cinéma indépendant, autrefois tenu à l'écart des circuits de distribution par l'intégration verticale.</p>
<p>Ce modèle est-il transposable à l'édition ? Il me semble que oui.</p>
<p>S'il serait hasardeux de dire que l'informatique met entre les mains de tous les auteurs la possibilité de produire des documents qu'une qualité typographique satisfaisante, elle a produit un grand nombre de jeunes diplômés disposant non seulement des compétences nécessaires, mais en plus des outils techniques pour produire des documents portables d'un support à l'autre. Cette dernière compétence est cruciale dans un mode où le livre numérique occupera à brève échéance une part significative du marché, et probablement un rôle de prototype, fournissant un support pour les premières publications des jeunes auteurs. Dès lors, il est possible d'imaginer un secteur où les jeunes auteurs contracteraient individuellement avec des individus ou des entreprises qui leur fourniraient les services de correction, mise en page et diffusion sur une plate-forme numérique. Il s'agit effectivement d'une auto-édition généralisée, le rôle de tri de l'éditeur étant déporté sur les plates-formes de diffusion, qui ont intérêt à ne pas noyer leur offre dans un océan de textes peu attrayants.</p>
<p>Pour des auteurs plus établis, l'agent littéraire, justement redouté en France par les éditeurs, semble le personnage désigné pour coordonner ces contrats, un même agent pouvant d'ailleurs agir au nom de plusieurs auteurs. Évidemment, une telle structure ferait perdre un pouvoir considérable aux grandes maisons d'édition, en offrant un plus grand pouvoir de négociation aux auteurs et surtout en les mettant en face non pas d'auteurs peu familiers de l'aspect économique, mais de professionnels rompus aux négociations.</p>
<p>Il me semble donc que les négociations entre auteurs et éditeurs autour des droits numériques doit se voir à la lumière de ce modèle d'organisation alternatif. À lire Antoine Gallimard, je ne suis pas sûr que les grandes maisons soient conscientes que l'organisation actuelle de l'édition n'est pas le seul modèle possible.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/26/%C3%89dition%C2%A0%3A-vers-un-mod%C3%A8le-cin%C3%A9matographique%C2%A0#rev-pnote-237-1" id="pnote-237-1">1</a>] Les fautes de typographie ne sont pas de mon fait. Apparemment, <em>Le Monde</em> ne connaît ni les majuscules accentuées ni la ligature œ.</p></div>
Concentration et diversité sur le marché du livreurn:md5:e70d4d8ae028c8a56c2b5872e20f387c2011-01-18T23:20:00+01:002011-01-19T09:02:25+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLibrairesLivreLivre numérique<p><strong>En lisant <a href="http://www.librairiemonet.com/blogue/2011/le-monde-du-livre/des-geants-qui-menacent-la-bibliodiversite/" hreflang="fr">ce billet</a> du blog le Librairie Monet, j'ai enfin mis le doigt sur ce qui me gêne tant dans la position des libraires sur la bibliodiversité.</strong></p> <h2>Où commence le marché ?</h2>
<p>Commençons par la vision du marché que donnent ce billet. Elle s'arrête là où, pour un économiste, le marché commence. L'auteur, l'éditeur, le diffuseur et le libraires sont là. Fin de l'histoire, le lecteur est évacué, sauf à être traité, dans un <a href="http://www.librairiemonet.com/blogue/2010/le-monde-du-livre/le-modele-amazon-face-aux-independants/" hreflang="fr">autre billet</a> de « je-me-moi je sais ce que je veux et je le veux tout de suite au pied de ma porte ». C'est là un travers que je retrouve régulièrement dans les plaidoyers en faveur de la librairie : l'idée implicite que le lecteur, fût-il un des <em>happy few</em> éclairés par leur bibliophilie, ne serait pas capable de reconnaître la bonne littérature de la mauvaise sans l'aide d'un libraire.</p>
<p>J'ai dit ailleurs à quel point le rôle de conseil des libraires me paraissait essentiel et devait être valorisé. Je me demande maintenant s'il ne faudrait pas être plus clair sur ce qu'est, à mon sens, ce rôle. Pour moi, il s'agit dans l'immensité de l'offre de conseiller au lecteur le titre qui correspond à <em>ses</em> goûts, qui ne sont pas forcément ceux du libraire. Bien évidemment, le rôle de conseil comprend une part de subjectivité mais je ne suis pas sûr que l'idée que le client n'a pas de goût et va au prix le moins élevé soit un bon point de départ pour envisager ce rôle.</p>
<p>J'y vois un glissement du rôle de conseil au rôle de prescripteur. Certes, le rôle de prescripteur, avec tout ce qu'il donne de stature intellectuelle, est plus valorisant. Il met aussi celui qui veut le tenir en concurrence avec les autres prescripteurs : journalistes, intellectuels médiatiques, blogueurs, etc. L'avantage du libraire est que contrairement à ces prescripteurs distants, il a le client en face de lui et peut affiner sa prescription aux goûts du client.</p>
<p>Je reconnais également que la position des libraires n'est, collectivement, pas confortable : l'essentiel des librairies vivent de fait grâce à la vente de titres, des ouvrages de Barbara Cartland à <em>Harry Potter</em> qu'il est de bon ton de regarder de haut quand on veut faire partie d'un certain milieu intellectuel. Un grand écart entre la réalité des masses vendues et la représentation de ce qui est culturellement valable. La vie est au contraire plus facile pour les grandes chaînes qui ne se posent pas de telles questions.</p>
<p>Le problème survient donc, selon moi, au moment où la volonté de défendre un statut, ou ce qui est ressenti comme une mission, finit par être en décalage avec la réalité du marché : les revendications de spécificité ou d'aides publiques finissent par être minées par cet écart, faisant le jeu d'un Amazon mettant en évidence qu'il sert les livres que les lecteurs demandent.</p>
<h2>Concentration et diversité</h2>
<p>Un autre point commun aux plaidoyers en faveur de la librairie est que la concentration, qu'elle soit éditoriale ou de la vente de livres, est nuisible à la diversité. Pour un économiste, cette assertion est surprenante. Empiriquement, d'abord : malgré une concentration éditoriale qui a en France créé un quasi-duopole, on n'a jamais publié autant de livres. Par ailleurs, les exemples de La Martinière ou de Soleil prouvent qu'un petit éditeur peut toujours se faire une place dans la cour des grands sur le succès d'un ou de quelques titres, et donc que les positions ne sont pas figées. Elle surprend également sur des bases plus théoriques. Si, comme l'affirment les libraires, le risque est de voir tout le monde publier ou vendre le plus petit dénominateur commun, alors on a toutes les raisons de penser que la concentration est un levier garantissant <em>contre</em> ce risque : un grand groupe aura plus d'incitations à diversifier son portefeuille qu'un petit éditeur devant, car sa survie en dépend, adopter d'hypothétiques recettes d'un succès tout fait<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-1" id="rev-pnote-236-1">1</a>]</sup>. De même, au niveau de la vente, les librairies de grandes chaînes disposent typiquement d'un stock qui les place entre les librairies moyennes et les très grandes librairies. Pour adapter un argument de Tyler Cowen, j'ai plus de chances de trouver un roman coréen à la Fnac que chez mon libraire de quartier par simple effet de nombre<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-2" id="rev-pnote-236-2">2</a>]</sup>.</p>
<p>Cette assertion va également à rebours de ce qu'on observe dans d'autres secteurs. Depuis Steiner (1952)<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-3" id="rev-pnote-236-3">3</a>]</sup>, on comprend bien comment la concurrence, en dupliquant les contenus les plus populaires, a un effet négatif sur la diversité. Par conséquent, la concentration devrait avoir des effets positifs sur la diversité, et c'est bien ce que trouvent tant Steven et Waldfogel (2001)<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-4" id="rev-pnote-236-4">4</a>]</sup> que Sweeting (2010)<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-5" id="rev-pnote-236-5">5</a>]</sup> dans le cas de la diffusion radiophonique : la concentration augmente le nombre de formats diffusés (et pas seulement le nombre de titres).</p>
<h2>Une industrie de la sur-offre</h2>
<p>De plus, la diversification de l'offre, pour tout dire la sur-offre, semble être la stratégie dominante dans les industries culturelles, de l'édition musicale au cinéma en passant par les jeux vidéo : individuellement ou collectivement, on publie beaucoup dans l'espoir de tomber sur la perle rare, le <em>blockbuster</em> qui rattrapera les pertes faites sur les autres titres. Cela passe par l'exploitation du plus grand nombre de genres ou de niches possibles, personne ne sachant si le prochain succès sera du côté de l'histoire de sorciers, de l'autofiction ou du pamphlet. On comprend mal pourquoi cette dynamique commune aux biens culturels serait inopérante dans le cas du livre.</p>
<p>C'est pourquoi je ne reçois l'argument d'un risque de diminution de la diversité qu'avec beaucoup de précautions. Il faudrait qu'on m'explique données à l'appui pourquoi la concentration fonctionnerait dans l'édition à rebours de ce qu'on observe ailleurs. Mon impression est que l'argument de la <em>diversité</em> cache un jugement de valeur implicite sur la <em>qualité</em> de la production. Et il me semble que là (voir point 1) on s'aventure dans les terrains mouvants de la distinction bourdieusienne, où la qualité et l'ampleur du lectorat sont négativement corrélés.</p>
<h2>Le Net</h2>
<p>Enfin, la numérisation est souvent envisagée sous le seul angle de la menace, qu'il s'agisse de celle d'Amazon (qui effectivement a tous les comportements caractéristiques de l'abus de position dominante), d'Apple (idem) ou de Google (là, le problème est plutôt au niveau de la différence de culture quand au bien-fondé d'une propriété intellectuelle très restrictive). Malgré le travail utile de certains, on sent une difficulté à se positionner face à une technologie fondamentalement plus efficace sur deux activités importante de la librairie, le fonds et les grosses ventes (en d'autres termes, quand le lecteur sait exactement ce qu'il veut lire). Les technologies en question portent pourtant remède aux craintes quant à la qualité et à la diversité, en abaissant considérablement les coûts de publication et en renforçant, par augmentation de l'offre disponible, l'intérêt pour un conseil pertinent, indépendant ou personnalisé. En d'autres termes le cœur du métier de libraire.</p>
<p>Tous ces éléments font que je me sens souvent mal à l'aise en lisant les argumentations visant à défendre les libraires face à tel ou tel acteur supposé conduire à la mort de l'édition pluraliste et de qualité : des éléments qui, dans le milieu, passent pour des fondamentaux admis par tous me semblent aller à l'encontre des la compréhension du secteur étayée tant par la théorie que par la comparaison avec les autres industries culturelles<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#pnote-236-6" id="rev-pnote-236-6">6</a>]</sup>.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-1" id="pnote-236-1">1</a>] En pratique, il existe une répartition des tâches confiant la détection des nouveaux talents aux petits éditeurs et la promotion des talents ainsi détectés aux grandes maisons, dans le cadre d'un oligopole à frange. La concentration fournit une incitation aux entreprises de l'oligopole à éviter de dupliquer les succès potentiels trop proches les uns des autres, afin d'éviter de cannibaliser ses propres titres.</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-2" id="pnote-236-2">2</a>] On peut rapprocher cela de l'effet des multiplexes sur l'offre de cinéma : la nécessité de rentabiliser des salles nombreuses les a conduit à programmer des films à budget moyen qui ont vu leur exposition augmenter considérablement.</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-3" id="pnote-236-3">3</a>] Steiner, P. "Program Patterns and Preferences and the Workability on Competition in Radio Broadcasting", <em>Quaterly Journal of Economics</em>, 1952, 66, p. 194-223, <a href="http://www.jstor.org/stable/1882942" hreflang="en" title="Program Patterns and Preferences and the Workability on Competition in Radio Broadcasting">sur Jstor</a></p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-4" id="pnote-236-4">4</a>] Berry, Steven T. et Waldfogel, Joel, "Do Mergers Increase Product Variety? Evidence from Radio Broadcasting", <em>Quaterly Journal of Economics</em>, 2001, 116, p. 1009-1025, <a href="http://www.jstor.org/stable/2696424" hreflang="en" title="Do Mergers Increase Product Variety? Evidence from Radio Broadcasting">sur Jstor</a></p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-5" id="pnote-236-5">5</a>] Sweeting, Andrew, "The effects of mergers on product positioning: evidence from the music radio industry", <em>RAND Journal of Economics</em>, 2010, 41, p. 372-397, doi: 10.1111/j.1756-2171.2010.00104.x</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/18/Concentration-et-diversit%C3%A9-sur-le-march%C3%A9-du-livre#rev-pnote-236-6" id="pnote-236-6">6</a>] J'avoue être quelque peu dubitatif quand je lis « Rappelons que l’histoire moderne du livre en est une à travers laquelle le but premier des éditeurs était de promouvoir de brillants auteurs et de rendre leurs écrits à la disponibilité du public, la vente de ces œuvres étant dévolue aux librairies à travers leurs réseaux » (<a href="http://www.librairiemonet.com/blogue/2011/le-monde-du-livre/des-geants-qui-menacent-la-bibliodiversite/" hreflang="fr">source</a>, huitième paragraphe). La description de l'édition que donne Balzac dans <em>Les Illusions perdues</em> (où au passage il fustige comme indigne les purs libraires n'ayant pas une activité propre d'édition), pour caricaturale qu'elle soit, n'en est pas moins juste. Le libraire-éditeur y publie le manuscrit de Lucien sans l'avoir lu (mais en prétendant l'avoir examiné en détail) dès que celui-ci est en position de s'assurer une critique positive dans un journal influent. Au XIXe siècle déjà, le secteur de l'édition et de la vente de livres n'était donc pas le domaine des seuls serviteurs dévoués de la Culture. Nier ainsi le caractère purement commercial d'une large part de l'activité d'édition et de vente de livres ne me paraît pas conduire à une compréhension saine des enjeux.</p></div>
Loi Lang : retour sur les soldes de livresurn:md5:69734502ed87247cbd6fb10a2c36c7742011-01-13T11:54:00+01:002011-01-13T12:24:28+01:00Mathieu P.RéactionsLibrairesLivreLivre numériqueprix unique<p><strong>Le <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/01/12/Br%C3%A8ve-%3A-cela-faisait-longtemps">billet d'hier</a> a été écrit dans l'urgence. Maintenant qu'il semble clair que les soldes d'Alapage se font effectivement sous l'article 5 de la loi, qui autorise les soldes pour les livres parus depuis plus de deux ans et dont le dernier approvisionnement date de plus de six mois (on le saura), il faut je crois expliquer pourquoi plusieurs acteurs du secteur ont eu comme première pensée qu'il s'agissait d'une infraction à la loi.</strong></p> <p>En premier lieu, l'importance attribuée au prix unique par les professionnels traditionnels du secteur peut expliquer pourquoi ils sont si sensibles. Ils considèrent en effet que le prix unique du livre constitue la colonne vertébrale d'un secteur qui sans lui s'effondrerait. Le cas des pays nordiques pourtant, où on a vu au Danemark s'effondrer les librairies en présence d'un prix unique alors que le secteur est prospère en Finlande alors que le prix unique n'existe plus depuis 1971, suggère que le prix unique n'a peut-être pas l'importance qu'on lui attribue en France. Toujours est-il que le secteur fonctionne sur cette représentation et donc est à l'affût de ceux qui ne respecteraient pas la loi (ainsi que Leclerc a essayé de la faire dans les années 1980).</p>
<p>En second lieu, il faut reconnaître que les possibilités offertes par l'article 5 sont rarement utilisées. À mon sens pour deux raisons. La première est que la plupart des librairies sont installées dans des locaux étroits, soumis à la pression de loyers commerciaux importants. Cela fait que le stockage long (six mois) de titres a un coût d'opportunité important, limitant les soldes éventuelles à une poignée d'exemplaires. Il faut peut-être s'attendre à ce que Decitre doive démontrer que les conditions de la loi sont effectivement respectées, en particulier sur des titres à forte rotation comme <em>Harry Potter</em>. Une possibilité est que Decitre ait commandé longtemps à l'avance un stock important du titre, comptant sur le film pour doper les ventes, et que cet effet ne se soit pas manifesté, laissant un stock ancien et important.</p>
<p>La seconde raison réside dans le partage du risque entre éditeurs et libraires. Entre l'office et les notés, une large part de l'assortiment d'un libraire est assortie d'un droit de retour. Pourquoi alors solder des titres quand il est possible de les renvoyer à l'éditeur et d'obtenir leur remboursement, moins les frais de port ? Une telle utilisation d'un droit de retour pour établir un prix plancher fait d'ailleurs partie des mécanismes de base de l'imposition de prix de revente, qu'on voit dans son premier cours d'organisation industrielle. En d'autres termes, le droit de retour assure en pratique la persistance du prix unique au-delà de la limite légale, le transformant, éventuellement, en « prix perpétuel », selon <a href="http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2010/05/04/livre-numerique-du-prix-unique-au-prix-perpetuel/" hreflang="fr">l'expression</a> d'Hubert Guillaud concernant le livre numérique.</p>
<p>Cette possibilité lève deux questions. La première, qui a pas mal interloqué les spécialistes d'organisation industrielle à qui j'ai présenté le marché du livre, est qu'à première vue un prix unique est redondant avec un droit de retour intégral : quel détaillant va délibérément solder des livres en-dessous du prix qu'il pourrait obtenir en les retournant à l'éditeur ? En d'autres termes, avec un droit de retour, le prix unique devrait être redondant. Cet argument tombe toutefois si on considère que l'achat de livres n'est pas isolé mais qu'il peut entraîner l'achat de biens complémentaires. L'année 1980 ont offert des exemples de cet effet. Les grandes surfaces offraient alors des remises importantes sur les livres en espérant faire venir dans ses rayons une clientèle qui fréquentait alors plus volontiers les commerces de centre-ville. Tout achat fait par ces nouveaux clients était alors un bien complémentaire du point de vue des grandes surfaces et les marges faites compensaient le manque à gagner sur les livres. On a vu l'an dernier un exemple plus manifeste dans la politique d'Amazon, prêt à vendre des titres à perte afin de rendre plus attractif son Kindle.</p>
<p>La seconde question est de savoir pourquoi Alapage pratique effectivement des soldes. On peut imaginer, ce que je faisais hier, que Decitre a obtenu des éditeurs des remises en échange d'un achat des livres concernés en compte ferme, c'est-à-dire sans droit de retour. La différence entre le prix de gros et le prix final étant de l'ordre de 30%, des rabais dans cette fourchette (un peu plus importants, en incluant les coûts logistiques à retourner les livres) font alors sens. Cela n'explique toutefois pas des soldes de l'ordre de 50%, comme celles consenties sur <em>Harry Potter et les reliques de la mort</em>. Pour certains titres donc, l'argument de biens complémentaires doit jouer : soit que l'achat du dernier tome de la série génère l'achat de biens liés (au hasard, le DVD ou le Blu-Ray du premier volet du film<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/13/Loi-Lang-%3A-retour-sur-les-soldes-de-livres#pnote-235-1" id="rev-pnote-235-1">1</a>]</sup>), soit qu'il s'agisse d'attirer de nouveaux clients dans le but de les fidéliser en présentant une offre alternative à celle d'Amazon.</p>
<p>Cet événement illustre la manière dont, indépendamment du livre numérique, l'informatique change la donne dans le marché du livre : le stockage dans des entrepôts à faible coût et les logiques d'attraction et de fidélisation du consommateur par des vendeurs généralistes rend potentiellement rentables des pratiques légales qui ne l'étaient pas pour le pan traditionnel du secteur. Ce me renforce, assez naturellement, dans l'idée que c'est une mauvaise idée pour ce pan de rester fixé sur le seul prix unique et de demander son extension au numérique, quand l'évolution technologique risque de plus en plus de faire de ce dernier un emplâtre sur une jambe de bois.</p>
<p>Au passage, je signale <a href="http://www.latribune.fr/page.php?Id=591127" hreflang="fr">cet article</a> co-signé par Jérôme Pouyet et moi-même, pour <em>La Tribune</em>. Le titre « Non au prix unique pour le livre numérique » n'est pas de notre fait (et, je trouve, un petit peu abrupt) mais il s'agit là des prérogatives de la rédaction du journal.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/01/13/Loi-Lang-%3A-retour-sur-les-soldes-de-livres#rev-pnote-235-1" id="pnote-235-1">1</a>] Rappelons que la loi Lang interdit la vente à prime, c'est-à-dire qu'il est interdit de proposer un livre comme prime pour la vente d'un autre bien qu'un livre (ou un journal, je crois). Ainsi, une offre « Si vous achetez le DVD, on vous offre le livre » est interdite. Ce qui est peut-être un peu dommage quand on imagine le nombre de nouveaux lecteurs que de telles offres auraient pu attirer, par exemple pour <em>Le Seigneur des anneaux</em> ou les adaptations de comics.</p></div>
Becker et Posner à propos des librairiesurn:md5:d005f541796de39bf06c3325aa3c0e232011-01-10T10:40:00+01:002011-01-10T10:45:18+01:00Mathieu P.RéactionsLibrairesLivreLivre numérique<p><strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Gary_Becker" hreflang="fr">Gary Becker</a> et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Posner" hreflang="fr">Richard Posner</a> publient sur leur blog à quatre mains une paire de billets, <em><a href="http://www.becker-posner-blog.com/2011/01/traditional-bookstores-are-doomed-becker.html" hreflang="en">Traditional Bookstores are Doomed-Becker</a></em> et <em><a href="http://www.becker-posner-blog.com/2011/01/can-bookstores-survive-prospects-and-consequencesposner.html" hreflang="en">Can Bookstores Survive? Prospects and Consequences—Posner</a></em> sur l'avenir des librairies face au numérique (<em>hat tip</em> à Moggio).</strong></p> <h2>Becker et la destruction créatrice</h2>
<p>Becker livre de la situation une analyse assez classique fondée sur l'idée de destruction créatrice schumpetérienne : Amazon et les liseuses constituent pour lui une technologie de vente de livres vouée à être strictement supérieure à celle offerte par la plupart des librairies : disponibilité rapide de la quasi-totalité des titres non-épuisés (et grâce aux efforts sur les œuvres orphelines, la plupart du reste), outils de feuilletage et de recommandation, plus grande versatilité des tablettes de lecture, etc.</p>
<blockquote><p>The traditional bookstore is doomed by e-readers and online sales of hard copy books.</p></blockquote>
<p>À l'appui de son analyse, on peut noter que du point de vue de l'économiste, la disponibilité immédiate des livres dans une librairie ne doit pas cacher le coût de déplacement à se rendre dans une librairie, coût qui peut être conséquent dans un cadre urbain très étendu comme celui des banlieues américaines ou des campagnes françaises. De ce fait, le coût du temps à attendre la livraison doit être comparé avec le délai induit par ce coût de transport, ce qui favorise en comparaison les librairies en lignes. Exemple personnel : vous avez un enfant, il faut donc aller le chercher tôt à la crèche. Or, la plupart des librairies parisiennes ne sont pas accessibles à des poussettes. Évidemment, le livre numérique réduit ce temps au seul temps de téléchargement du texte.</p>
<p>En termes prospectifs, Becker pense que l'attachement des libraires à leur métier ainsi que la lenteur de la pénétration des outils numérique chez les plus âgés, traditionnellement gros consommateurs de livres, va induire une disparition lente de la plupart des librairies (avec le bémol que la possibilité d'agrandir les caractères devrait assurer aux liseuses un marché important chez les seniors). Seuls subsisteront celles pratiquant plusieurs activités (il cite la librairie d'université, vendant aussi de la papeterie ainsi que des <em>goodies</em> de l'université, j'aurais plutôt parlé du modèle du manga-café) ou celles s'adressant à une clientèle particulièrement pointue, sur le mode du marché de niche.</p>
<p>Il relève également que si l'industrialisation a entraîné une diminution de la production domestique (nourriture, vêtements), la tertiarisation pousse maintenant dans l'autre sens, fournissant des outils de production domestique (yaourtière électrique, machine à pain, etc.) qui s'étendent maintenant aux services, ici le service de librairie mais aussi la consommation de musique ou de films. Ce qui lui permet assez élégamment de boucler son billet sur un thème relevant manifestement de son argument initial de destruction créatrice schumpetérienne.</p>
<h2>Posner et l'effet-prix</h2>
<p>Posner suit plus ou moins la même ligne, en mettant l'accent moins sur les services rendus que sur l'effet-prix. L'activité de librairie est en effet socialement onéreuse, en cela qu'elle nécessite d'amortir l'occupation de surfaces commerciales chères, car situées dans des quartiers commerçants denses aux baux commerciaux élevés et qu'elle emploie des personnels qualifiés. La substitution vers une librairie en ligne est donc pour lui de nature à épargner ces coûts, faisant ainsi baisser le prix des livres et favorisant la lecture.</p>
<blockquote><p>Books bought through bookstores are more costly not only in price (to cover the costs of the bookstore), but also in customers’ time.</p></blockquote>
<p>Pour lui, le seul avantage de la librairie est la possibilité du contact physique avec les ouvrages. Il estime que les services rendus sur place, par la sélection des titres et les suggestions, peuvent être reproduits en ligne à moindre coût et génèrent, en tout état de cause, moins de disposition à payer que les coûts qu'ils induisent. Lui aussi conclut sur le thème de la destruction créatrice.</p>
<h2>La problématique valorisation des services</h2>
<p>L'un comme l'autre attachent manifestement peu de valeur aux services rendus par les libraires. Becker ne les mentionne même pas et Posner considère qu'ils n'ont qu'un effet marginal sur la demande. Il consacre ainsi plus de temps à la possibilité de parcourir les livres (<em>browsing</em>) qu'à l'intérêt des services sur place (<em>point-of-sale services</em>). Si je suis d'accord avec eux sur le fond, c'est-à-dire que le numérique signifie assez mécaniquement moins de librairies, il me semble qu'ils négligent un aspect important de l'activité des libraires.</p>
<p>D'une part, je ne suis pas certain que l'on puisse balayer aussi rapidement l'activité de conseil. Si certes les conseils d'un libraire à un client inconnu ont peu de chance d'être significativement meilleurs que ceux obtenus en ligne, une relation régulière permet au libraire de disposer d'un avantage comparatif sur les nouveaux titres, sur lesquels les outils de recommandation automatisés sont moins performants, faute de données. Il en va de même pour l'activité de promotion des titres, celle qui conduit les premiers lecteurs à acheter un titre. Pour se mettre en route, les mécanismes de prescription, qu'il soient physique ou en ligne, ont besoin de lecteurs initiaux. Par construction, les libraires et leurs clients réguliers forment une part importante de ces lecteurs initiaux, qui amorcent les phénomènes de recommandation et de bouche-à-oreille.</p>
<p>Le service de conseil est d'autant plus valorisé par les clients que leur temps est précieux, ou leur information faible, ce qui suggère que les librairies devraient mieux résister dans les quartiers présentant une population aisée et éduquée d'une part, et d'autre part dans des quartiers populaires où elles joueraient un rôle plus large d'animation culturelle (rien n'interdit d'ailleurs que cela se fasse dans un cadre public, semi-public ou à but non lucratif : l'entreprise privée n'est pas le seul modèle envisageable pour l'avenir de la librairie).</p>
<p>Le service de promotion, lui, en appelle moins au client qu'aux éditeurs, qui sont les grands bénéficiaires de démarrage des phénomènes de recommandation. Sous cet aspect, l'avenir de la librairie pourrait bien dépendre crucialement de la volonté des éditeurs à concrétiser en transferts monétaires leurs discours d'attachement à la librairie de qualité, par le biais de contrats rémunérant explicitement ce type de services. En l'état en France, éditeurs, distributeurs, diffuseurs et libraires semblent préférer des systèmes assez complexes de compensation, opaques pour le consommateur. À ce niveau, je ne suis pas convaincu que la volonté de préserver les structures et fonctionnements existants ne devienne pas un obstacle quand l'objectif essentiel serait de mettre en évidence la valeur des services rendus par les uns et pas par les autres.</p>Pièce manquanteurn:md5:6f3af65f8645398ea2872cf6829b5a872010-12-16T23:24:00+01:002010-12-16T23:58:30+01:00Mathieu P.Économie de la cultureLibrairesLivreLivre numérique<p><strong>Si je suis assez content d'avoir participé au <a href="http://www.nonfiction.fr/article-3967-pourquoi_les_editeurs_francais_courent_a_leur_perte.htm" hreflang="fr">dossier</a> sur les problèmes de l'édition française face au numérique, je me rends compte qu'il manque à ce tableau une pièce, celle des libraires. Que dire du rôle des libraires dans le livre numérique ?</strong></p> <p>L'oubli des libraires dans la définition du marché du livre numérique n'est pas un travers propre à ce dossier. Dans les rapports, essais et autre réflexions, le libraire se retrouve repoussé à la frontière du livre numérique. On pense à lui quand on évoque la vente couplée ou qu'on se demande ce qu'il va devenir si le marché du livre physique diminue considérablement au profit du livre numérique.</p>
<h2>Un rôle demeure : celui du prescripteur</h2>
<p>Un rôle n'a aucune raison de changer : celui du libraire-prescripteur, capable de répondre par un titre précis à la requête vague d'un consommateur qui n'a pas une idée très précise de ce qu'il veut. Ici, ce que le consommateur cherche est un texte, peu importe quelque part son support : il vient chez le libraire pour un conseil. L'important pour le libraire face à cette clientèle (celle pour laquelle son rôle importe le plus) est donc de pouvoir proposer le livre, en format numérique donc, lisible par la plate-forme du lecteur concerné et à un prix comparable à celui que ce consommateur pourrait trouver ailleurs. Là, j'en vois qui se disent « mais il nous réinvente le prix unique, là ! ». Non, pour obtenir cela, il n'est pas nécessaire de sortir une artillerie aussi lourde.</p>
<p>Il y a en fait trois problèmes. Le premier est l'interopérabilité des fichiers (et sur ce point, plusieurs libraires sont sur la même ligne que Dialogues, qui a <a href="http://audeladecettelimite.blogspot.com/2010/11/faut-pas-prendre-les-enfants-du-bon.html" hreflang="fr">banni les DRM</a> pour plusieurs raisons dont celle-ci. Le second est l'interopérabilité des catalogues, qui doit permettre, comme dans le domaine du papier, au libraire de commander auprès de n'importe quel éditeur. Le troisième est la question du prix. Sauf que pour cela, pas besoin de prix unique. Une clause de la nation la plus favorisée dans le contrat suffit, c'est-à-dire que le libraire peut vendre un ebook au prix le plus avantageux qu'il trouve (soit via la plate-forme de l'éditeur, soit via un autre détaillant) et est rémunéré à l'acte (donc pas forcément sur la base d'une remise proportionnelle au prix).</p>
<p>Ce découplage du prix et de la rémunération du libraire n'est certes pas aisée : elle demande de changer les habitudes du secteurs, les contrats existants et tous leurs petits équilibres. Elle a toutefois l'avantage de mettre en évidence le fait que la valeur du <em>service</em> rendu par le libraire au consommateur et à l'éditeur (puisque ce qu'il fait est d'apparier l'un a l'autre, de manière à ce que <em>tous deux</em> en tirent un bénéfice mutuel) ne se mesure pas à l'aune du prix de l'ouvrage. C'est cette idée que mon co-auteur et moi-même avions ébauchée dans l'opuscule et qu'il faudrait peut-être radicalisée.</p>
<h2>Un autre rôle : le lieu social</h2>
<p>Le livre numérique peut aussi conduire en librairie un public un peu différent du public habituel. Si on en croit les projections de vente, les tablettes de lecture occuperont une place certaine sous les sapins. Une large dissémination de ces supports peut mettre ces objets entre les mains des lecteurs traditionnels, en particulier ceux de profil plutôt âgé et peu technophiles. Le libraire peut alors fonctionner comme un lieu de rencontre et d'aide pour apprivoiser ces machines étranges. La librairie devient alors un lieu de convivialité. Force est de constater qu'en l'état, peu de librairies françaises sont prêtes à cela : lesquelles proposent fauteuils profonds, tables, chaises, prises, réseau et restauration légère tels qu'on peut les trouver en Allemagne ou aux États-Unis ? Réponse : les mangas-cafés qui ont fleuri ces dernières années et ont vu dans ce modèle d'affaires un moyen de sortir de l'ornière dans laquelle se sont enlisés de nombreux magasins mangas-CD-figurine un peu trop décalqués de la librairie traditionnelle. Il me semble que le modèle est acclimatable à un autre public et à un autre standing, correspondant à l'implantation traditionnelle des librairies. Évidemment, cela veut dire en rabattre sur les surfaces consacrées au fonds. Mais c'est justement cette économie du (très cher) espace que permet le numérique, en n'obligeant pas au stockage physique des titres. Des sources de revenus annexes sont d'ailleurs possibles : rien n'empêche un libraire de concevoir un système d'abonnement par lequel un lecteur lui apporte son appareil à date fixe et, pour une somme fixe comprenant une rémunération du libraire, repart avec une sélection d'ouvrages faite sur mesure par le libraire : n'est-ce pas là le prolongement naturel de l'activité de conseil ?</p>
<p>Ce rôle peut se redoubler si le livre numérique ne reste pas cantonné à un décalque du livre papier et développe ses propres fonctions sociales. Quel lieu plus naturel pour se retrouver en tant que bibliophiles numériques d'un même quartier qu'une librairie ? Là encore, d'une logique de vente, on passe à une logique de service. Utopique ? Sans doute, en l'état de la librairie et des relations avec les éditeurs. L'intuition économique veut toutefois qu'un créneau profitable ne reste pas longtemps vide, et les mangas cafés illustrent la capacité de nouveaux entrants à faire fi des conventions d'un secteur pour imposer d'autres modes de fonctionnement.</p>
<p>Des évolutions dans ce sens auraient l'immense avantage de faire apparaître plus clairement des rôles, multiples, propres au libraire. En générant des revenus liés à une activité propre et indépendants des actes de vente, ils permettraient aussi aux libraires de ne pas voir leur rémunération dépendre uniquement des éditeurs, limitant ainsi le pouvoir de marché, aujourd'hui considérable, de ces derniers.</p>
<p>Toute cela pour dire qu'il peut exister une place pour la librairie dans la chaîne du numérique, et que les services que peut rendre le libraire y sont plus nombreux et tout aussi intéressant tant pour les consommateurs que pour les éditeurs. C'est pourquoi on peut regretter leur mise à l'écart, regretter encore plus leur soutien au prix unique du livre numérique, et aussi pourquoi on doit les encourager quand ils refusent des pratiques des éditeurs qui, comme les DRM, sont de nature à conduire le secteur dans un mur.</p>Le livre numérique : expérience personnelleurn:md5:ed9d7dcc8b99f6f63cf73d5cfe5478732010-10-06T22:49:00+02:002010-10-06T22:49:00+02:00Mathieu P.Économie de la cultureLivre numérique<p><strong>J'ai déjà parlé ici, un peu plus dans ma thèse, du livre numérique vu par l'économiste. Depuis peu, je suis également un lecteurs de livres numériques.</strong></p> <p>Alors que je pensais ne me mettre au livre numérique qu'avec une liseuse (que je n'ai toujours pas achetée, je balance entre le <a href="http://www.bookeen.com/fr/cybook/?id=2">Cybook Orizon</a> et le <a href="http://www.sony.fr/product/rd-reader-ebook/prs-650">Sony Reader Touch Edition</a>), l'achat d'un nouveau téléphone portable (un <a href="http://www.lesnumeriques.com/motorola-milestone-p407_7365_57.html">Motorola Milestone</a> - non, ceci n'est pas du placement de produit) m'a mis au livre numérique.</p>
<p>J'en suis aujourd'hui à trois livres lus intégralement (<em>Moby Dick</em>, <em>Salammbô</em> et <em>Heart of Darkness</em>). Le simple fait d'avoir lu ces trois ouvrages dans des conditions de confort que j'estime fort raisonnables me surprend moi-même. Il semblerait toutefois que j'ai eu la main heureuse en choisissant le logiciel de lecture (<a href="http://www.aldiko.com/">Aldiko</a>) qui dispose de pratiquement toutes les fonctions permettant une lecture aisée dans des conditions d'éclairage très variables (voir <a href="http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2010/08/30/les-logiciels-de-lecture-a-lepreuve-de-leur-lisibilite/">ce billet sur ''La Feuille''</a>). Cela me surprend d'autant plus que je n'avais pas choisi la facilité en termes de textes.</p>
<p>Ce qui m'amène à deux remarques. D'une part, si le marché du livre numérique semble s'intéresser aujourd'hui beaucoup aux liseuses et tablettes, les téléphones portables pourraient constituer un marché conséquent, leur nature même s'accommodant bien de la lecture en miettes qui l'on fait dans les transports, aux toilettes, dans une queue de magasin, etc., tout cela sur un appareil qu'on a toujours sur soi, et sans temps de latence, contrairement à la consultation du web, fût-ce en 3G. D'autre part, si le marché du livre numérique sur téléphone décolle, cela signifie une large entaille dans les modèles fondés sur l'association forte d'un matériel et d'une plate-forme, du type Amazon ou Apple, et donc poussera vers l'interopérabilité.</p>
<p>Les plus observateurs auront certainement remarqué que les trois livres cités sont du domaine public. J'ai peut-être des goûts particuliers mais pourquoi prendre la peine d'aller acheter, cher, un roman récent quand la montagne de textes majeurs du domaine public est disponible ? Je me demande dans quelle mesure cette expérience est généralisable à l'idée que le domaine public va représenter pour les éditeurs une concurrence autrement plus importante que celle liée aux rivalités de plates-formes ou à la copie non autorisée de textes sous protection.</p>