Notes d'un économiste - Notes de lecture
2021-05-21T15:18:09+02:00
Mathieu Perona
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Dotclear
Note de lecture: Petite Poucette, par Michel Serres
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2015-03-31T17:17:00+02:00
2015-03-31T17:17:00+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Innovation
Internet
Livre
<p>Je viens de lire, avec beaucoup de retard,<em> Petite Poucette </em> de Michel Serrres.</p>
<p>Il est difficile de ne pas sympathiser avec le regard affectueux, admiratif et encourageant que le vieil homme jette sur une jeune génération, regard qui contraste si agréablement avecl'aigreur d'autres hommes de son âge (Alain Finkelkraut en est un exemple). Ce d'autant plus que je rejoins à titre personnel beaucoup des idées exprimées dans ce livre sur les transformations individuelles et sociales amenées par la diffusion des technologies de communication en réseau.
Comme l'a relevé le collègue qui m'a prêté ce livre (merci Thomas), si l'ouvrage est concis et se lit rapidement, il n'en est pas moins dense en idées, que Serres esquisse plus qu'il ne décrit, sans doute pour que les étapes ne puissent pas faire perdre de vue l’ensemble du parcours.</p>
<p>Pour autant, je ne suis pas complètement convaincu par ce livre. Michel Serres me semble en effet souvent verser dans la généralisation abusive, généralisant à toute une génération la Petite Poucette qu'il observe dans le cercle privilégié d'établissements d'enseignement sélectifs et de quartiers privilégiés. Si une nouvelle relation à la connaissance explique effectivement le chahut de classes des beaux quartiers, Michel Serres ne semble pas avoir mesuré l'ampleur que peut prendre la contestation systématique appuyée non pas sur une information universelle et distribuée, mais sur une restriction de l'information à une poignée de sources partisanes. Même dans un monde idéal où l'information serait librement accessible, l'attention reste une ressource rare, et le choix des sources d'information pertinentes n'est ni inné, ni aisé.</p>
<p>Il y a de plus loin du monde de la communication fluide et instantanée décrit par Serres à l'ensemble de bulles très inégalement poreuses qui constituent les internets actuels. Sur ce point, les constats énoncés par Frédéric Martel dans <em>Smart</em> (note de lecture) écrasent la version idéale de Serres comme le parpaing de la réalité écrase la tartelette aux fraises de nos illusions<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2015/03/31/Note-de-lecture%3A-Petite-Poucette%2C-par-Michel-Serres#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Je suis peut-être trop sombre dans ma vision de ce livre. L'effort fait par Serres de comprendre les générations nées à partir des années 1980 mérite qu'on s'y arrête, d'autant plus que ce livre se veut un antidote aux clichés du vau-l'eau et des neiges d'antan. Il s'agit indéniablement d'un livre riche et très agréable à lire. Mais sa musique optimiste ne doit pas faire oublier que l'éducation aux outils du numérique, dont la Petite Poucette de Serres serait un produit presque idéal, ne va pas de soi.</p>
<p>P.S : ce post a été écrit sur tablette dans le train, donc je vois prie d'excuser les nombreuses coquilles.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2015/03/31/Note-de-lecture%3A-Petite-Poucette%2C-par-Michel-Serres#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] © @<a href="https://twitter.com/Bouletcorp" hreflang="fr" title="Profil Twitter">Bouletcorp</a></p></div>
Note de lecture : Smart
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2014-08-20T21:56:00+02:00
2014-08-20T20:57:07+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Informatique
Internet
Livre
Neutralité
Note de lecture
Télévision
Édition
<p><strong>Cette note de lecture étant déjà bien en retard, j'irai à l'essentiel : Smart est l'ouvrage le plus intelligent que j'ai lu au sujet d'Internet à ce jour. Là où missionnaires comme contempteurs du digital regardent Internet au travers des écrans à portée de leurs yeux, Frédéric Martel est allé voir sur le terrain par qui sont faits et utilisés les outils de l'Internet actuel. Il en revient avec une thèse au rebours du village global ou du monde plat. Smart démontre qu'il n'existe pas un Internet mondial, abolissant les barrières culturelles, mais des Internets, dont les frontières recoupent bien souvent des frontières bien physiques.</strong></p> <p>Pour Smart, Frédéric Martel<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2014/08/20/Note-de-lecture-%3A-Smart#pnote-328-1" id="rev-pnote-328-1">1</a>]</sup> adopte essentiellement la même démarche que pour Mainstream : plutôt que de discourir de ce qui peut se voir depuis une fenêtre du centre de Paris (coucou A. F.), il a parcouru la planète dans une vaste enquête mettant en évidence la pluralité des utilisations et des approches du réseau des réseaux. Certaines étapes de ce voyage sont attendues, comme la Californie, lieu de localisation des noms les mieux connus (Apple, Facebook, Google), ou Washington, pour l'aspect réglementation, mais les autres le sont beaucoup moins : Pékin, Moscou, Mexico, Nairobi, Tel-Aviv ou Gaza. Autant de territoires, autant de conceptions d'Internet, autant d'usages.</p>
<p>Ce périple donne la matière à la première partie du livre et alimente la thèse centrale : même les plus technophiles d'entre nous ne connaissent qu'une toute petite partie d'Internet, le reste nous étant souvent techniquement accessible, mais inintelligible en pratique. Cette segmentation passe de manière évidente par la barrière de la langue, mais aussi par des plates- formes différentes: Okrut au Brésil, VKontakte en Russie, etc. Parfois, l’inaccessibilité passe par des barrières plus visibles, qu’il s’agisse de la maladroite censure Russe ou du Grand Firewall chinois, sur lequel veillent nombre de censeurs.
Ainsi, Frédéric Martel nous fait faire un tour ce ces Internets, profondément nationaux, qui ne communiquent entre eux qu’à la marge, par des franges, loin d’un modèle de transparence globale.</p>
<p>La deuxième partie du livre approfondit cette perspective en décrivant les utilisations locales faites des technologies de l’information, de la constitution de smart cities, de manière endogène dans un écosystème ou, pour des résultats douteux, ex nihilo dans le cadre de grands plans d’aménagement urbains. À la fin de cette partie s’intercale un chapitre particulièrement intéressant, sur l’acculturation des pays musulmans au net, allant de l’utilisation de ces outils pour la pratique religieuse quotidienne à l’analyse de la stratégie média de l’islam politique. Si les autres chapitres m’ont donné l’impression de compléter une connaissance que j’avais déjà de manière diffuse, j’ai retrouvé dans ce chapitre intitulé My Isl@m la même impression que dans Mainstream, de décentrement et de découverte d’un pan inédit pour moi du paysage mondial.</p>
<p>La troisième partie de Smart revient sur la manière dont ces Internets modifient l’approche des industries de contenu, et comment se déroulent les relations entre les grands acteurs du net et les régulateurs, d’un côté à l’autre de l’Atlantique. Sur ce dernier sujet, on retrouve un des sujets de prédilections de Martel, la manière dont les États-Unis, sous leur apparence de non-intervention, investissent des sommes importantes dans la promotion et le développement de leurs acteurs, tandis que l’Union Européenne parle beaucoup mais n’agit qu’en ordre dispersé et de manière in fine peu efficace.</p>
<p>N’allez cependant pas croire à lire cette recension que Martel nie la puissance et la pertinence de plates-formes, de marques et de contenus qu’on retrouve d’un bout à l’autre de la planète. Loin de là, ces éléments sont également analysés dans Smart. Mais l’apport du livre et de montrer qu’à cette identité globale se conjuguent des identités profondément locales, territorialisées, voire créant de nouvelles communautés et de nouveaux territoires culturels qui rendent aussi pertinents que jamais les outils de l’anthropologie et de la géographie pour comprendre les dynamiques du net.</p>
<p>Si j’avais une réserve, ce serait que dans son souci de montrer à quel point les différences d’usage d’outils similaires peuvent construire à des Internets différents, Martel passe très rapidement sur les enjeux des limites implicites ou explicites intégrées dans la technologie elle-même. Mises en évidence sous le terme code is law, cette approche met en évidence comment le code lui-même ainsi que la capacité (ou non) de modifier ce code conditionne les usages possibles des technologies. Les formats fermés, l’absence de support des formats ouverts (le Kindle est un exemple emblématique) ou les DRM constituent les exemples les plus flagrants de ce phénomène, dont d’autres manifestations ne sont pas moins gênants d’être plus insidieuse, à l’image de la manière dont Facebook filtre les publications arrivant sur votre fil d’actualité d’une manière opaque et surtout peu configurable.</p>
<p>En tout état de cause, Smart me semble une lecture essentielle pour quiconque veut comprendre le fonctionnement actuel du Net, ou plutôt des Internets, au-delà ce la petite lucarne de sa langue et de ses communautés, géographiques comme virtuelles.</p>
<p>Frédéric Martel, <em>Smart, enquête sur les Internets</em>, Stock, 2014.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Note</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2014/08/20/Note-de-lecture-%3A-Smart#rev-pnote-328-1" id="pnote-328-1">1</a>] @Martelf sur Twitter</p></div>
Note de lecture : The Second Machine Age
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2014-03-20T23:17:00+01:00
2014-03-21T13:48:41+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Informatique
Innovation
Internet
Note de lecture
<p>À l'invitation d'un agent, <a href="http://www.crunchbase.com/person/andrew-mcafee" hreflang="en" title="Andrew McAfee on Crunchbase">Andrew McAfee</a> et Erik <a href="http://www.crunchbase.com/person/erik-brynjolfsson" hreflang="en" title="Erik Brynjolfsson on Crunchbase">Brynjolfsson</a> ont repris leur volume auto-publié <em>Race Against the Machine</em> (notes de lecture <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A">partie 1</a> et <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/08/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine-2/2">partie 2</a>) pour en faire un ouvrage plus conventionnel, intitulé <em>The Second Machine Age - Work, Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant Technologies</em>.</p> <h3>Un ouvrage dans la continuité du précédent</h3>
<p>Dans son ensemble, l'ouvrage reprend les thèmes et la construction de <em>Race Against the Machine</em>.</p>
<p>Du fait de la loi de Moore et plus généralement de la croissance exponentielle des capacités des technologies de l'information et de la communication, les progrès de ces dernières vont aller à un rythme de plus en plus rapide. Ainsi, des tâches jugées il y a une dizaine d'années durablement hors de portée des ordinateurs (reconnaître des requêtes en langages naturel, conduire une voiture en conditions de trafic réelles) sont aujourd'hui une réalité (Siri et les Google cars en attestent).</p>
<p>Ces progrès ont une double conséquence. D'un côté, ils permettent de multiplier l'accès aux outils de la connaissance, de l'innovation et de la diffusion, permettant de créer et d'accéder à moindre coût aux marchés, qu'il s'agisse d'un marché global ou de marchés de niche (longue traîne). D'un autre côté, ils permettent de remplacer des travailleurs effectuant des tâches intellectuelles répétitives (recherche bibliographique, diagnostic médical) par des ordinateurs effectuant au minimum un pré-tri beaucoup plus rapide et efficace que ceux réalisés jusqu'ici par un grand nombre de cols blancs.</p>
<p>Face à cette situation, les auteurs relèvent qu'il faut se garder d'opposer humains et machines. En effet, les applications les plus efficaces de ces technologies combinent les deux plutôt que de proposer une situation en coin. Leur exemple fétiche est le jeu d'échec, où des équipes combinant humains et ordinateurs battent très régulièrement tant les plus grands maîtres que les plus puissants ordinateurs. Cette idée fournit la recommandation centrale de l'ouvrage : la clef pour faire bénéficier le plus grand nombre des gains de productivité induits par ces technologies est un apprentissage massif des manières de travailler avec les machines.</p>
<h3>Une différence d'approche</h3>
<p>Par rapport au précédent ouvrage toutefois, on sens une différence d'approche certaine. Alors que <em>Race Against the Machine</em> suivait un parcours intellectuel dont le contrepoint implicite est fourni par le point du vue luddite, <em>The Second Machine Age</em> écarte ce point de vue au profit d'une orientation générale plus positive. Le nouvel ouvrage consacre nettement moins de pages à la discussion des arguments luddites, au profit d'un exposé plus constructif sur la manière dont les technologies en question conduisent à la fois à une augmentation de la production (<em>bounty</em>) et à une augmentation des inégalités (<em>spread</em>). Selon la puissance de chacun de ces effets, on peut aller d'une situation où le progrès technique fait augmenter le niveau de vie de chacun, par effet de croissance, à une situation de déclassement de la classe moyenne, remplacée par des machines, tandis qu'une élite étroite engrange l'ensemble des gains de productivité.</p>
<p>Cette évolution dans la présentation reflète l'évolution générale du débat. Alors que <em>Race Against the Machine</em> voulait également répondre à l'argument de la stagnation (<em>The Great Stagnation</em> de Tyler Cowen, notes de lecture <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/02/15/Note-de-lecture-%3A-The-Great-Stagnation-%281%29">partie 1</a> et <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/02/15/Note-de-lecture-%3A-The-Great-Stagnation-%282%29">partie 2</a>), <em>The Second Machine Age</em> s'inscrit plutôt en regard de <em>Average is Over</em>, du même Tyler Cowen, qui met en avant l'effet de <em>spread</em> pour décrire un avenir sans classe moyenne<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2014/03/20/Note-de-lecture-%3A-The-Second-Machine-Age#pnote-325-1" id="rev-pnote-325-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Ce changement d'orientation est particulièrement sensible dans la sélection que les auteurs font parmi les propositions de politiques publiques. Le traitement des politiques destinées à contrer l'effet de <em>spread</em> et à permettre au plus grand nombre de bénéficier des gains de productivité sont présentées avec plus de détails que dans leur précédent ouvrage. Les auteurs discutent ainsi plus longuement des mérites du revenu universel (inférieur à leur yeux à un impôt négatif, qui préserve mieux les incitation à travailler).</p>
<h3>Technologie et culture</h3>
<p>Si les auteurs ont fait un travail approfondi d'enquête auprès des innovateurs pour comprendre comment les innovations sont produites, on peut regretter qu'un travail similaire n'ait pas été effectué pour appréhender la manière dont elles sont reçues. Le côté ambivalent de ces technologies, qui permettent tout autant la surveillance que la communication, n'est évoqué qu'à la toute fin de l'ouvrage - ce qui semble léger au regard des révélations d'un Edward Snowden.</p>
<p>Face au potentiel d'utilisation néfaste de la technologie, les auteurs affirment l'importance des valeurs de ceux qui les utilisent. C'est à mon sens aller un peu vite, l'évolution des valeurs n'étant pas indépendante de celle de la technologie elle-même. Pour prendre un exemple du premier âge des machines, la combinaison en France du service militaire et du chemin de fer a eu une influence déterminante dans le passage d'une indentité locale au profit d'une adhésion fondamentale à la communauté nationale.</p>
<p>Plus fondamentalement, il me semble que les interactions entre culture et technologie jouent un rôle plus fondamental que ne l'envisagent les auteurs. Ceux-ci mettent en avant la manière dont Internet permet la diffusion plus rapide des idées, permettant d'augmenter le niveau d'information et les relations entre innovateurs. Cela est vrai si on dispose d'un langage commun et de représentations communes. Or, une tendance du réseau actuel est à la balkanisation des communautés et la concentration sur les personnes et sources d'information en accord avec les préjugés de l'utilisateur, ce qui va à l'encontre de la diffusion des idées percues comme venant du dehors. La prévention de ce risque de repli ne peut selon moi être que culturelle, dans l'éducation au dialogue et à la compréhension, programme qui dépasse très largement celui des auteurs, concentré sur la maîtrise des outils.</p>
<h3>Impression d'ensemble</h3>
<p>Je crois que <em>The Second Machine Age</em> est un ouvrage important pour comprendre la manière dont l'évolution de la technologie va très probablement produire des résultats de plus en plus surprenants au cours des décennies à venir. Les auteurs parlent d'un changement majeur, et ils ont des arguments qui me portent à les croire. La grande force de cet ouvrage est de mettre ces perspective en regard de leurs conséquences sur la distribution des revenus et des niveaux de vie. Je crois toutefois que ce livre en appelle un autre, qui mettrait ces évolutions également en regard des représentations sociales et culturelles.</p>
<p>Au crédit des auteurs, on peut remarquer qu'ils mettent en pratique ce qu'ils décrivent et recommandent. Ils ont tous deux un compte Twitter, qui leur sert vraiment à échanger, et le livre est assorti d'un site <a href="http://www.secondmachineage.com/" hreflang="en">http://www.secondmachineage.com/</a> comportant une partie discussion.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Note</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2014/03/20/Note-de-lecture-%3A-The-Second-Machine-Age#rev-pnote-325-1" id="pnote-325-1">1</a>] De la discussion avec <em>The Great Stagnation</em>, il reste essentiellement le chapitre "Beyond GDP" sur l'insuffisance croissance du PIB pour mesurer les gains de niveau de vie liés aux nouvelles technologies.</p></div>
Reading notes: The Bankers' New Clothes
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2013-05-14T11:06:00+02:00
2013-09-23T13:02:34+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Banques
Crise financière
Finance
Note de lecture
Régulation
Répression financière
<p><strong>Sur un conseil d'Alexandre Delaigue, j'ai lu <em>The Bankers' New Clothes</em>.</strong></p> <p><strong>Bankers' New Clothes is a useful book in that it makes clearly the case for higher equity requirements for banks. This does seem a much sensible path than separating ill-defined activities. The book does however fail to account for the difference between US and EU financial systems. As a consequence, significant costs of higher equity requirements are overlooked. The criticism of risk-weighted assets is unconvincing.</strong></p>
<p><em>Disclaimer: Author works for a major European bank. All opinions expressed here are purely its own.</em></p>
<p>Anat Admati and Martin Hellwig’s core point in Bankers' New Clothes is a simple one. There is one and only one way to reform the banking system and reduce the risk of devastating crises such as the one we have just experienced: to require banks to have more equity. This position is well-researched, backed by reliable experts (Paul Volker, Erkki Liikanen, Sir John Vickers to name only a few) . Influential research papers have been pointing this way of late.</p>
<p>BNC, however, attempts to be more than a well-documented and accessible statement of this position. The aim of the authors is to dismantle the arguments bankers use to resist the push for financial reform in general and higher equity requirements in particular. This attempt is partly successful, and partly a failure. Their demonstration is accurate when they draw sharp distinctions between the interest of banks and those of society in general, showing that even reforms that are costly to banks may be beneficial to society. They are less convincing when their narrowly US-centric point of view gets them to defend positions that are identical to those of US banks against the Basel framework.</p>
<p>Let us start by what is good in this book. It provides an easily understandable introduction to how the banking system functions. It demystifies many technical terms such as leverage, options, bank capital and so on. BNC puts forward, in a consistent and convincing manner, why one can think that banks must be held to much higher equity requirements. They successfully dismiss talks of structural reforms (return to a Glass-Steagall, Liikanen, Vickers and so on) as ineffectual. Financial crises are not an effect of bank structure, but of a fragility of the banking system itself, and the only buffer is bank capital (or equity), which was at an all-time low (in the 3% of total assets) in the run-up of the 2007 crisis. We will not discuss this point here: the optimal level of capital is the object of much debate, but it does seem that the socially optimal level would be higher than what is required by current regulation . For the authors, the proper level of equity to total assets would be in the 25% - 50% range (and possibly higher) where Basel III sets that ratio à 3% (and mainly as a backstop to the equity to risk-weighted assets ratio.</p>
<p>Things start to go awry when the authors claim that a rapid move towards high equity levels would be almost costless to society. We are always suspicious of free lunches. And we do believe that this is indeed no free lunch for society. To understand how BNC misses the trade-off, one must go into some unspoken assumptions and biases in the book. We will focus on two points:</p>
<ul>
<li>Bankers say that equity is more expensive than debt, and thus higher equity requirement would decrease lending, thus adversely impacting economic activity. BNC says this claim is false, since higher equity means safer banks, which turns into a lower risk premium on equity (a.k.a. The Modigliani-Miller theorem).</li>
<li>European banks say they are at least as well-capitalized as US banks. BNC says this is false, EU banks using unreliable risk-weighted capital ratios instead of ratios to total assets.</li>
</ul>
<p>Our objections to both points have a common root: BNC fails to account for the deep differences between the US and the EU. That failure makes it blind to why their proposed solutions would not work.</p>
<h3>Increasing equity is indeed expensive</h3>
<p>Let us take the claim that equity is more expensive than debt. BNC does recognize (but downplays) the importance of the tax wedge: debt repayments are not taxed, but dividends are (and sometimes twice), thereby providing a powerful incentive to debt funding. Absent that tax wedge, Modigliani-Miller should apply: a bank with more equity would be safer, and shareholders would require lower dividends as a result. So, why are banks resisting so vehemently higher capital requirements?</p>
<p>A recent (and much cited) article (David Miles, Jing Yang, Gilberto Marcheggiano: “Optimal Bank Capital") shows that the M-M theorem does work, but imperfectly. Using historical data, they show that one-third to one half of the expected lower returns requirements on equity do not materialize. This effect may be even bigger in a context where people are wary of banks and of investing in stocks as a whole. This is just the case in general, and in Europe in particular.</p>
<p>BNC seem to completely ignore that the investor landscape in Europe is not the same as in the US. Because of large public pension systems and reasonable healthcare cost and coverage, pension funds and insurers are much smaller than in the US, by several orders of magnitude. This means that there is simply less capital around (pay-as-you-go pension systems do not accumulate capital) and that it would be difficult (costly) for a bank to make large equity issuances. The problem is magnified by a composition effect (which BNC completely overlooks): even if one bank could raise more equity quickly, it is safe to think that all banks trying to do so at the same time would well exceed demand, leading to lower prices (ie expensive equity).</p>
<p>BNC makes a point that return on equity requirements should fall if the level of risk of banks decrease. In a perfect world, they should. In the current circumstances, we rather doubt it. Pension funds are significant investors in US banks. Those funds are currently in a quandary: they promised high returns (around 8%) when yields were high, and must now face that promise as yields on bonds are at an all-time low and they have little room to go to high-yield, high-risk assets. This means that even with a lower risk level, they may want to keep their ROE requirements: they need 10% – 15% of ROE just to keep their financial equilibrium.</p>
<p>A simple fact should have raised doubt on the idea that, faced higher requirements, banks would in fact comply by increasing equity: in recent year, we have witnessed a very large deleveraging of the EU banking sector in order to achieve Basel III capital ratios. If raising equity were indeed not that costly, why would have banks sold assets at depressed prices? This points to the fact that the risk of a credit crunch if equity requirements are implemented too quickly is real, not just an article of lobbying. When constrained, banks do cut credit and not just raise more equity.</p>
<p>While costly equity is a problem for banks, lower credit is a social cost. When funding costs increase, marginal projects cannot get funded, which is detrimental to activity. This effect comes over and above other distortions in bank lending underlined by the authors.</p>
<h3>Of accounting and risk-weighted assets</h3>
<p>The second point come whenever BNC compares US and EU banks. For several reasons, this is an apple-to-oranges exercise. The authors are partly aware of that. For example, a figure in the book (6.1) show how the US accounting standards (GAAP) vastly reduces banks' balance sheets compared with the EU's IFRS, by allowing the netting of derivative positions. They use that to show that the capital ratios of US banks would be lower under IFRS. Strangely enough, they forget that point several chapter later, when their target is the Basel framework. They claim there that EU banks have lower capital ratio than US ones. This is doubly a misrepresentation.</p>
<p>Firstly because of the difference of accounting: if computed under GAAP, EU banks would have the same level of leverage as their American counterparts (the case of Deutsche Bank, who publishes accounts under both systems, is a proof, as illustrated in Arroyo et al., 2012).</p>
<p>Secondly, the business models are very different, making leverage comparisons meaningless. In the US, pensions funds and institutional investors as well as the Glass-Steagall legacy generate a high demand for bonds. Banks have an originate-to-distribute model: they originate loans, and resell them in the form of bonds, keeping only a part of the riskier tranches in order to have some skin in the game. In the EU, there is much less appetite for bonds. Banks usually keep the whole loans on their balance sheet, resulting in higher but much less risky assets. Not accounting for that business model difference vitiates any comparison of leverage ratios.</p>
<p>Nowhere is this lack of understanding more evident than in the part devoted to the Basel framework and risk-weighted assets. Whole the book claims to be critical of bankers' arguments, it simply looks like a page off US banks' lobbying manual. The very public and vocal disagreements between US and EU banks should have raised several red flags: the bashing of the Basel framework by US banks is indeed self-serving.</p>
<p>Because of the originate-do-distribute vs originate-and-hold differences, US and EU banks have very different levels of risks in their assets. Accounting for that risk, ie using risk-weighted assets, would be very costly to US banks, who keep the riskier parts of structured transactions, when compared to the portfolio of large corporate and sovereign bonds and loans that are held by EU banks. NBC also misses whey risk-weights were introduced in the first place. With a simple leverage ratio, two banks with $100M assets and $20M equity are equally capitalized, and deemed equally safe. This is obviously misleading if one the banks have lots of speculative investments while the other has mainly US bonds in its portfolio. Using unweighted leverage thus provides a large incentive to concentrate on riskier assets for a given level of capital, and this is the very reason risk weight have been introduced in the first place (and so strongly resisted by US banks).</p>
<p>The RWA system does has its flaws, and the current regulatory portfolio reviews are exposing them. But advocating to simply scrape it in favor of an unweighted leverage ratio is unwise.</p>
<h3>Blame where it is due</h3>
<p>The third bias of the book is that on its intention of heap blame on the banks (and their regulators), it oversees other responsibilities. For example, BNC bashes Basel for risk-weighting all EU sovereign debt at 0% (riskless). This was not however the result of bank lobbying, but that of sovereigns themselves. They used that lever to secure cheap funding, at the expense of banks. Similarly, it is not the banks that rated AAA subprime senior tranches, but rating agencies, strangely absent of the picture in the book. We would not subscribe completely to the regulatory capture. During the crisis, regulators seem to have been more overwhelmed by the sheer dimension of the problems than anything else.</p>
<h3>Conclusion</h3>
<p>Let us be clear: We do believe that higher capital requirements would indeed increase the resilience of the banking system. We do think that now is the time where there is enough political will to push these requirements through. We do however believe that implementing them too quickly would be tremendously costly not only to banks, but to the economy as a whole. It would be far better to commit to a long-term, gradual march towards higher ratios. A condition for that is that US and EU banks manage to harmonize their accounting and regulatory environment.</p>
<h3>References</h3>
<p>Anat Admati and Martin Hellwig, <em>The Bankers' New Clothes: What's Wrong With Banking and What to Do About It</em>, Princeton University Press, 24/02/2013, ISBN-13: 978-0691156842, http://bankersnewclothes.com/</p>
<p>José María Arroyo, Ignacio Colomer, Raúl García-Baena and Luis González-Mosquera, “Comparing Risk-Weighted Assets: The Importance of Supervisory Validation Process”, Estabilidad Financiera, Banco de España, 22, 2012</p>
<p>David Miles, Jing Yang, Gilberto Marcheggiano, "Optimal Bank Capital" 6 juin 2012 DOI: 10.1111/j.1468-0297.2012.02521.x, The Economic Journal Volume 123, Issue 567, pages 1–37, March 2013)</p>
Reading notes: Launching The Innovation Renaissance: A New Path to Bring Smart Ideas to Market Fast
urn:md5:8ebf8e9f317f1dbe504e17b5d61fd7c6
2013-04-27T23:52:00+02:00
2013-04-27T22:54:04+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Droit d auteur
Informatique
Innovation
Note de lecture
Propriété intellectuelle
<p><strong>A few thoughts and comments on Alex Tabarroks' <em>Launching The Innovation Renaissance: A New Path to Bring Smart Ideas to Market Fast</em>.</strong></p> <h3>Overview</h3>
<p>Upon a recommendation from <a href="https://twitter.com/ECONOMISTHULK">@ECONOMISTHULK</a>, I read Alex Tabarrok's <em>Launching The Innovation Renaissance: A New Path to Bring Smart Ideas to Market Fast</em>. I believe it to be a very good book, which usefully complements <a href="http://marginalrevolution.com/" hreflang="en" title="Marginal Revolution, Cowen's and Tabarrok's blog">Tyler Cowen</a>'s <em>The Great Stagnation</em> (Reading notes <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/02/15/Note-de-lecture-%3A-The-Great-Stagnation-%281%29">here</a> and <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/02/15/Note-de-lecture-%3A-The-Great-Stagnation-%282%29">there</a> in French) and <a href="https://twitter.com/erikbryn" hreflang="en" title="Compte twitter @erikbryn">Erik Brynjolfsson's</a> <em>Race Against the Machine</em> (reading notes <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A">here</a> and <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/08/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine-2/2">there</a>, in French also).</p>
<p>The book starts with more or less off the same base as Cowen's: productivity, the main measure of how technical progress translates into economic activity, has been stagnating for the last twenty years or so in the US. Tabarrok's point is that the choice between stagnation and innovation revolves mainly around three topics: patent (and intellectual property) law, education, and globalization.</p>
<p>The arguments in the book are familiar. Patent law is so broken that it represents an obstacle for innovation. Overly long patent and IP protection provide little incentive to innovation when new ideas or products can be smashed by incumbents or patent trolls. Tabarrok does not propose to scrape it, but to amend it, using variable-duration patents and research prizes, which would restore better incentives. The US education system is as broken as the patent system is, with too few people completing high school and too many going to college (and dropping out). Better paid and more accountable teachers is the proposed solution for the former, more vocational training the way to cure the latter. Finally, the book shows how the rise of China and India can be a boon to the US, since it increases the world stock of ideas and innovators. The US are not reacting well to that opportunity, erecting barriers to the world's best and brightest.</p>
<h3>Opinion</h3>
<p>I believe that there is little to discuss about the book's core points. They are valid. There are huge gains to reforming IP law, fixing the education system and enabling a better circulation of people and ideas. They are worth repeating and spreading. There is however a small point where I beg to differ. In his chapter "College has been oversold", Tabarrok contrasts the stagnation or decrease of graduates in science with the increase of graduates in the Humanities, arguing that the latter reprensent a lesser potential contribution to innovation than the former. I believe that such thinking is one of the reasons why, despite a steady technological progress, productivity has been stagnating: acceptance of its social consequences has been taken for granted.</p>
<p>Let me take an example: fifteen or twenty years or so, the oldest subway line in Paris was fully revamped. A project was put forward that featured automatic (driverless) trains. It was not implemented, not for cost or technical reasons, but because passengers overwhelmingly said that they would not accept to board such trains. This very same line is now automated, but the delay arguably had a significant cost. I this that this example generalizes. Tabarrok explains how the regulation thicket is hampering innovation in the US. He doesn't question why there is regulation in the first place/ My take is that this regulation is a byproduct of a widespread fear of change. People have by and large seen their works and lives been transformed by technology, not always for the better (a point convincingly made by Brynjolfsson). So they have grown suspicious of innovation. I doubt piling up more innovation is going to alleviate that doubt. This is where psychology and sociology come in: understanding that fear, and providing tools to alleviate it, could be one of the most innovation- and growth-enhancing research agenda.</p>
<p>The role of the humanities is actually wider. Larger labor force participation form women has been a huge boost for growth during the past century. This was not due to any technical innovation, but to social innovation: a new status for women. Are there such opportunities around now? Obviously yes. Tabarrok shows that drugs that would add a few years in life expectancy would generate benefits in the trillions. This is a huge number. I would however be dwarfed by the benefits of just having US people eating less, eating healthier food and working out just a bit more. There is no pill nor clever gizmo for that: you have to understand how and why people make every day small choices that are detrimental to them. The point has been amply made in the case of development studies by Banerjee and Duflo, or by Thaler's and Sunstein's <em>Nudge</em> book.</p>
<p>I also felt that Tabarrok was sometimes restricting his vision of growth to GDP-measurable growth. Cowen showed how much of the contents we now consume are very inadequately (if ever) captured by the GDP metric - this note being an example. However, we consume an increasing quantities of these contents, and this is where the humanities come to fruition.</p>
<p>Again, the main points of the book are valid. We do need more students going into science, and we definitely need more science awareness in the general population. We need a simpler and more reasonable IP regime, and easiers flows of people and ideas. But whereas former technological revolutions were mostly top-down (a capitalist built an electricity-driven factory), this one is bottom-up. Because it is rooted in network effects, you need peoples' full participation. There is no way you will get that without a deep understanding on how they think, make their choices and what their aspirations are. Going from STEM (science, technology, engineering, and mathematics) to STEAM (the same plus arts) may be a condition for the innovation Renaissance. As it was in the historical Renaissance, by the way.</p>
Note de lecture : Copyright Unbalanced
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2013-01-25T10:01:00+01:00
2013-01-25T10:09:36+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Droit d auteur
Note de lecture
Propriété intellectuelle
<p><strong>Note de lecture de l'ouvrage <em>Copyright Unbalanced: From Incentive to Excess</em>, Tom W. Bell, Eli Dourado, Timothy B. Lee, Christina Mulligan, David G. Post, Patrick Ruffini, Reihan Salam, dir. Jerry Brito, Mercatus Center at George Mason University, 2012, ISBN 978-0983607755.</strong></p>
<p>En raison du caractère très US-centré de l'ouvrage, ma critique est en anglais. Pour ceux que cela rebute, voici un <em>shorter</em> : bon bouquin, qui illustre bien la manière dont le régime de propriété intellectuelle aux États-Unis et l'usage de marteaux-pilons judiciaires pour le faire respecter sont devenus proprement terrifiants. Dommage qu'il soit couché en termes inutilement partisans (on tape sur les Démocrates pour montrer qu'on est un bon Républicain), et complètement US-centré, au point de faire un certain nombre de recommandations ridicules, traitant les US comme un pur marché domestique, n'important aucun bien ou service culturel.</p> <p>This book is a remarkable collection of essays on the topic of copyright, or rather the sheer madness the US copyright framework has become. Having somewhat studied the question as a scholar, I was familiar with most of the economic arguments against the current copyright regime. I did found them in the book, accurately represented in understandable terms.
What I was less familiar with was the legal aspect of it. What I read in this book appalled me. I did know that the US copyright enforcement regime was dysfunctional. I was not aware, however, that a mere suspicion of copyright infringement could get you detained and your property seized without any meaningful right to defend yourself. And that’s the bright side of it, if you happen to be a US citizen.
This book is thus a thoroughly researched, reasonable and articulate plea for a much-needed, in-depth reform of US copyright law – and why SOPA should never have been considered in the first place.
I would recommend it as a must-read to any US citizen, for some fundamental elements of the US system, such as freedom of speech, are indeed badly hurt by the copyright enforcement.</p>
<p>Did I say US citizen? I did, and that is this book’s weak point. It deals only with the US and on purely US terms.
While several essays rightly underscore that in an interconnected world, geographical frontiers and jurisdiction limitation loose most of their meaning, a focus on the US system would have been understandable. Comparative law is a tricky business, especially when it comes to copyright and the difference between Anglo-Saxon Copyright and Continental Droit d’Auteur with its moral rights part. I could also have borne with the incessant references to the Founders and the exceptional quality of the US system. It is the way these things work.
What I felt superfluous however was that perfectly valid, pragmatic and potentially consensual points are hammered down with pointless Democrat-bashing. Granted, DMCA was passed by a Democrat administration, but PRO-IP was signed into law by George W. Bush. The idea that Hollywood-backed Democrats are the main culprits of the absurd growth of copyright enforcement strikes me as rather shabby. Form what I saw it is a continuous trend that enjoys wide bipartisan support. All the copyright extension laws did past muster with a nearly-unanimous vote.
If that means that in the current climate, you cannot treat such an important topic without targeting a specific political audience (conservative and libertarian), and doing so by bashing a straw man, the US democracy is in a sad shape indeed.</p>
<p>Another highly debatable part of this book is the last chapter. I would say that while making some interesting (and in fact well-known) points, it embodied part of what makes even moderate conservatives the laughing stock of the rest of the world. I read this chapter as absurd and inconsistent. Absurdity starts when the author advocates a unilateral withdrawal of the US from the Berne Convention, arguing that only the domestic market matters. Reality check: is the author aware that a large part of US copyright-protected products earn more abroad than in the domestic market, and would not be profitable without an easy access to that market? Moreover, on the same chapter, the author (rightly) says that consumer’s interest should be paramount. I fail to see how withdrawing access to all the cultural goods and services produced abroad could do anything but harm the US consumer. This internally inconsistent and inconsistent with the point repeatedly made by other authors in this book, that with the Internet, borders should not matter.</p>
<p>On the whole, this is a very good collection of essays, especially if you live in the US and lean Libertarian or Conservative. It is regrettable, however, that the book should be so full of uselessly partisan arguments and that it occasionally veers in ridiculous US exceptionallism when dealing with a topic that matters for an interconnedted world.</p>
Critique rapide de Class War
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2012-02-13T19:43:00+01:00
2012-06-27T14:06:35+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Note de lecture
<p><strong><a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2012/02/01/Free-Lunch">L'autre jour</a>, je vous signalais que <em>Class War</em> était disponible en téléchargement gratuit sur le site des Chicago University Press. En voici une très rapide note de lecture.</strong></p> <p>Dans le contexte d'une polarisation croissante de la vie politique aux États-Unis, cet ouvrage arrive comme un fort utile retour au réel. Exploitant plus d'un demi-siècle de sondages d'opinion ainsi qu'une enquête inédite de leur cru, les auteurs démontrent l'existence d'un fossé entre les termes du débat politiques et les positions des citoyens américains.</p>
<p>La thèse essentielle des auteurs est qu'une solide majorité des américains est à la fois conservatrice, c'est-à-dire attachée aux libertés individuelles, pensant qu'un certain niveau d'inégalité est nécessaire au bon fonctionnement de la société et sceptique sur l'intervention publique, et pragmatiquement libérale (au sens américain), c'est-à-dire très favorable et prête à financer les coûteux programme permettant une réelle égalité des chances.</p>
<p>Ils démontrent ainsi que si le concept de lutte des classes est inopérant dans les représentations des américains, ceux-ci sont en revanche à la fois informés et sensible au niveau d'inégalité de revenu et de richesse dans le pays. Alors qu'ils expriment un support massif dans l'idée que l'inégalité des revenus est la conséquence logique de l'inégalité des efforts et des talents, ils estiment tout aussi massivement, y compris les Républicains, que le niveau actuel d'inégalité est tel qu'il décourage plus qu'il n'encourage et devient de ce fait une négation du rêve américain.</p>
<p>Le même type de position à deux faces se retrouve dans le domaine de la taxation, de l'éducation ou de la sécurité sociale : à la fois un attachement de principe à la responsabilité individuelle et un recours pragmatique à la progressivité de l'impôt, au service public d'éducation et à l'intervention de l'État pour assurer l'égalité des chances, en particulier en direction des plus défavorisés.</p>
<p>Les auteurs expliquent l'écart entre leurs résultats et le débat public américain par le poids disproportionné joué par les franges extrémistes (tant chez les Démocrates que chez les Républicains) dans la désignation des candidats, tant au niveau local que national ou fédéral. La primaire républicaine pour les élections présidentielles de 2012 semble leur donner amplement raison.</p>
<p>Si l'adhésion fondamentale du public américain à la liberté individuelle n'est naturellement pas transposable au cas français, cet ouvrage pousse en revanche à s'interroger sur l'existence en France d'un divorce de ce type entre les représentations du débat politique et la position de la majorité des citoyens. La polarisation du débat sur des questions mineures, comme l'immigration ou les délocalisation, plutôt que sur des questions majeures, comme la croissance ou l'éducation, constitue un élément assez probant en ce sens.</p>
Free Lunch
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2012-02-01T21:12:00+01:00
2012-02-01T21:14:08+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Liseuse
Livre numérique
Édition
<p><strong>Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, je rappelle que les Presses Universitaires de Chicago offrent chaque mois un ebook gratuit.</strong></p> <p>Il suffit de s'inscrire <a href="http://www.press.uchicago.edu/books/freeEbook.html" hreflang="en" title="Chicago University Press Free ebook program">sur la page du programme</a>. Une idée à suivre pour un certain nombre de presses universitaires françaises (rue Saint-Guillaume, par exemple).</p>
Note de lecture : Race Against The Machine 2/2
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2011-12-08T21:14:00+01:00
2011-12-08T21:14:00+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<p><strong>Suite de la note de lecture commencée dans <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A">ce billet</a>.</strong></p> <h3>Dans <em>Destruction créatrice</em>, il y a <em>destruction</em></h3>
<p>La thèse centrale du deuxième chapitre est que le progrès technologique a une large part de responsabilité dans la stagnation du revenu médian et le fort niveau de chômage aux États-Unis.</p>
<p>À première vue, il s'agit simplement de l'argument luddite. À ceci près que les auteurs n'abordent pas la question sous le simple angle du remplacement du travail par des machines mais illustrent assez précisément les mécanismes en jeu, ce qui leur permet de mettre l'accent sur le caractère vraisemblablement (mais non nécessairement) transitoire de ces effets.</p>
<p>Là où le premier chapitre, dans une tradition d'écriture anglo-saxonne, s'appuyait sur des exemples saillants pour illustrer son propos, on entre ici dans le domaine de la théorie et des faits économiques. Sur le plan théorique, Schumpeter est le premier sollicité puisque l'argument des auteurs est que nous sommes dans la phase de destruction du processus schumpeterien. De telles phases sont intervenues dans les précédentes révolutions industrielles, à deux différences près.</p>
<p>Premièrement, le remplacement des anciennes technologies par les nouvelles va beaucoup plus vite. La vapeur puis la combustion interne ont mis un siècle à remplacer la traction animale, tandis que les ordinateurs, partis de rien il y a un demi-siècle, se sont diffusés dans l'ensemble des processus de production.</p>
<p>Deuxièmement, la révolution technologique en cours touche une bien plus grande part de la population active, qui se voit remplacée ou doit changer sa manière de produire. Le choc d'ajustement est donc à la fois plus général et plus violent.</p>
<p>Les implications de ces deux différences sont profondes. La mieux explorée est celle d'un progrès technique biaisé, qui bénéficie à ceux qui sont capables de s'en saisir et de faire évoluer rapidement leurs pratiques et nuit à ceux qui n'ont pas cette flexibilité. Les auteurs en relèvent deux autres. En abaissant le coût de l'information, ces technologies élargissent la dimension du marché accessible. Cela bénéficie au consommateur en termes de choix et de prix, mais réduit à néant les rentes du producteur local qui fournissait des produits moins intéressants à un marché de proximité captif. En d'autres termes, la technologie conduit à des effets de <em>winner-takes-all</em>, où seules les entreprises les plus performantes parviennent à s'imposer (et génèrent des revenus très importants), conduisant l'ensemble des activités à la structure bien connue en économie de la culture de l'oligopole à frange. Cet effet de <em>winner-takes-all</em> conduit à concentrer le résultat des gains de productivité entre les mains des seules entreprises <em>stars</em> et de leurs salariés, qui se recrutent essentiellement parmi les <em>digital natives</em>.</p>
<p>Par ailleurs, une large part des gains de productivité reviennent entre les mains des propriétaires du capital utilisé dans ces entreprises. Contrairement aux précédentes révolutions industrielles, ce capital prend moins la forme d'équipements matériels tangibles et plus celle de droits de propriété intellectuelle (qu'il s'agisse de secrets industriels, de brevets ou de copyrights).</p>
<p>La combinaison de ces effets conduit au résultat bien connu d'une concentration croissante des revenus et du patrimoine, dont les auteurs soulignent les effets néfastes sur la croissance et sur les institutions sociales.</p>
<p>Pour moi, le message de chapitre est que quelle que soit la confiance qu'on peut avoir dans la dynamique de long terme de destruction créative, la présente révolution a pour spécificité de dérouler des effets très disruptifs dans un laps de temps historiquement très court, ce qui doit nous obliger à considérer avec beaucoup d'attention les effets de court terme.</p>
<h3>Race With the Machine</h3>
<p>Le dernier chapitre de l'ouvrage a pour but de donner des pistes permettant à la fois d'amortir ces effets de court terme et surtout d’accélérer la transition des individus et des structures de production vers une organisation où la totalité de la population pourrait tirer parti de cette évolution technologique plutôt que se trouver en concurrence avec elle.</p>
<p>En guise de préambule, les auteurs mettent en évidence l'existence de phénomènes corrigeant les tendances décrites au chapitre suivant. Si la technologie tend à concentrer le succès sur chaque marché, elle permet aussi la multiplication et la segmentation de ceux-ci, donnant naissances à de nouvelles niches abritant leur entreprise-star locale. Parallèlement, cette même technologie a partiellement déplacé les lieux de l'innovation. Si celle-ci se réalise toujours pour partie dans les grandes entreprises schumpeteriennes, elle se fait également dans une galaxie de toutes petites entreprises qui, à la faveur d'un succès, peuvent rejoindre, grâce aux effets de <em>winner-takes-all</em>, le club des grandes entreprises. On retrouve là la dynamique de l'oligopole à frange, dont la spécificité est précisément sa capacité à entretenir une frange très fortement créative.</p>
<p>On pourrait prendre pour exemple le marché des liseuses. Sur ce marché, Amazon joue le rôle de l'innovateur schumpeterien, qui utilise ses rentes de vendeur en ligne pour créer un nouveau marché. À côté, de nombreuses entreprises (Onyx, PocketBook, Bookeen pour n'en citer que trois) proposent une gamme de produits dont l'innovation réside moins dans leurs composants (standardisés) que dans la combinaison de ceux-ci.</p>
<p>Cet exemple conduit au point suivant des auteurs, qui est que la division de la production et les TIC permettent de multiplier les innovations de combinaison, procédant d'une mise en relation d'éléments technologiques pré-existants (par exemple, penser qu'un téléphone équipé d'un processeur assez puissant et d'un appareil photo puisse être utilisé comme un lecteur de codes-barres). Ces innovations de combinaison présentent un coût d'entrée bien moindre que les innovations matérielles, qui restent l'apanage de groupes pouvant réaliser des investissements très lourds.</p>
<p>Le dernier point est que nous sommes dans une phase d'innovation de processus. Les ordinateurs sont là mais, essentiellement, nous ne savons pas les utiliser. Les auteurs donnent l'exemple des tournois d'échec, gagnés ni par les Grands maîtres ni par les supercalculateurs mais par des équipes d'humains assistés de PC standard mais utilisant des heuristiques pour guider les directions de calculs, permettant d'explorer une plus grande profondeur de mouvement en choisissant de manière dynamique les branches à explorer ou à ignorer.</p>
<p>Or, constatent les auteurs, nous ne sommes pas actuellement formés à nous saisir de ces phénomènes. Le constat du retard de la pénétration des nouvelles technologies dans l'enseignement constitue une antienne. Les auteurs le relient au fait que ces technologies ne peuvent être employées qu'en modifiant profondément les processus mêmes de l'éducation. Là comme ailleurs, elles auraient vocation à concentrer l'audience sur les tout meilleurs enseignants<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/08/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine-2/2#pnote-270-1" id="rev-pnote-270-1">1</a>]</sup>, dégageant du temps permettant aux autres enseignants de se consacrer aux aspects nécessitant une forte relation humaine aux élèves. Parallèlement, l'adaptation aux nouveaux processus requiert une acquisition de capacités au travail horizontal, collaboratif, qui reste le parent pauvre de nos systèmes d'enseignement et d'évaluation.</p>
<p>De manière moins attendue, ils soulignent que les entreprises emblématiques de cette révolution technologique ne sont pas fondées sur un produit, mais sur un écosystème. Le succès de Google procède d'un algorithme mais aussi d'une application de la théorie des enchères. Celui d'Appel d'une sujétion de la technique au design et à l'ergonomie. Ainsi, notent les auteurs, de plus en plus de formations aux nouvelles technologies abandonnent une vision purement technique au profit d'une réintégration des humanités, constatant, sur le marché des tablettes par exemple, que la qualité technique d'un produit devient secondaire par rapport à sa capacité à transmettre de manière transparente des contenus.</p>
<p>Les auteurs proposent donc dix-neuf mesures qu'ils présentent comme une liste non-exhaustive des directions à prendre. Certaines sont générales, d'autres très spécifiques à la situation américaines. J'en fais donc ici un choix subjectif :
- Investir dans l'éducation, à la fois en termes de moyens (nouvelles technologies), de processus (leur utilisation) et de structures (les auteurs proposent de séparer les rôles d'enseignement et de notation-certification) ;
- Proposer dans toutes les filières des formations à la création d'entreprises, appuyées sur une simplification drastique des procédures ;
- Investir dans la recherche et le développement ;
- Aligner la taxation du capital sur celle du travail, voire favoriser temporairement ce dernier ;
- Mettre un frein à la volonté de régulation immédiate des secteurs émergents (au hasard, prix unique du livre numérique)
- Cesser les incitations à l'accession à la propriété, qui constituent un frein important la mobilité des personnes
- Aligner la taxation du secteur financier sur celle du reste de l'économie
- Réformer en profondeur le système des brevets afin d'éliminer les brevets de mauvaise qualité et les <em>patent trolls</em>
- Réduire la durée du copyright.</p>
<p>À mon sens, la liste et la portée des recommandations a pour principal inconvénient de n'être pas toujours bien reliée au propos central des auteurs. Elle aurait gagné à être réduite et plus solidement mise en relation avec ce qui précède. Elle constitue toutefois une intéressante base de départ pour un débat sur les mesures de long terme, ce qui est exactement ce que visaient les auteurs.</p>
<h3>Impression d'ensemble</h3>
<p>Comme d'autres ouvrages de ce type, courts, clairs et compacts, cet ouvrage se lit bien et vite. Les auteurs jouent régulièrement sur le rejet presque instinctif des arguments luddites (ou inversement sur l'adhésion intuitive à ces arguments) pour prendre leur lecteur à contre-pied. Règle du genre, les arguments sont plus souvent supportés par des anecdotes que par des données ou des éléments théoriques précis. Des liens dans le texte permettent toutefois au lecteur curieux de creuser plus avant.</p>
<p>En tout état de cause, je recommande la lecture de cet ouvrage. Elle permet en effet de s'armer contre les arguments plus ou moins pernicieux de rejet de la technologie. La description fine de ses effets néfastes permet en effet de mettre en évidence le caractère potentiellement transitoire de ces effets, et la compréhension de ses mécanismes de répliquer en montrant les directions d'un progrès plutôt que ceux d'une régression.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/08/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine-2/2#rev-pnote-270-1" id="pnote-270-1">1</a>] Une idée qu'avait déjà eu Malraux, qui voulait créer un corps d'enseignant d'élite dont les cours magistraux seraient ensuite diffusés dans les établissements.</p></div>
Note de lecture : Race Against The Machine 1/2
urn:md5:9ef135229d3c54eeeef1673005cdc2fb
2011-12-02T06:30:00+01:00
2013-09-04T14:31:15+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<p><strong><em>Race Against The Machine: How the Digital Revolution is Accelerating Innovation, Driving Productivity, and Irreversibly Transforming Employment and the Economy</em>, Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, ASIN: B005WTR4ZI</strong></p>
<p><strong>C'est souvent avec beaucoup d'irritation que j'entends tant les arguments néo-luddites qui rendent le progrès technique responsable du chômage que ceux qui peignent un avenir de fin du travail. J'avais donc une certaine méfiance en achetant cet ouvrage. En fait, si une ambition des auteurs est bien de montrer en quoi le remplacement d'humains par des machines joue un rôle dans la stagnation du salaire médian et dans le niveau de chômage, c'est pour ensuite mieux faire la peau aux arguments luddites. Ils démontrent en effet qu'il ne s'agit que d'un épisode transitoire, déjà rencontré dans les précédentes révolutions industrielles, qui plus que l'effet de la technologie met en lumière la démission des États dans leurs fonctions essentielles au cours des dix dernières années.</strong></p> <p>L'ouvrage s'articule en trois chapitres principaux. Le premier est dédié une description de la manière dont les technologies de l'information et de la communication sont en mesure de remplacer des humains dans des tâches dont on ne les aurait pas crues capables il y a encore dix ans. Le second s'attache à lier ce remplacement au niveau élevé du chômage aux États-Unis et à la stagnation du salaire médian. Le troisième propose des pistes pour sortir d'une situation où une part importante de la population active est en concurrence avec l'automatisation.</p>
<h3>Positionnement</h3>
<p>Face au problème de la stagnation des revenus et du chômage, les auteurs se positionnent à l'opposé de la thèse de la stagnation, défendue par exemple par <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/02/15/Note-de-lecture-%3A-The-Great-Stagnation-%281%29">Tyler Cowen</a> et en surplomb des explications liées à l'augmentation des inégalités dont Krugman est un des porte-parole les plus en vue. Là où Cowen argumente que la morosité économique est liée à un effet de rendements décroissants de la technologie, les auteurs avancent qu'au contraire elle procède de l'accélération de ce progrès et tout particulièrement dans les technologie de l'information et de la communication, qui constituent un élément universel des processus de production.</p>
<p>Leur objectif est donc de montrer que le problème vient de ce que le rythme d'évolution des personnes et des organisations a été dépassé par celui de la technologie, conduisant à une situation où des gains importants sont intégralement capturés par le faible nombre de ceux qui ont réussi à suivre le rythme, concepteurs ou propriétaires de ces nouveaux moyens de production. Dans la mesure où il serait illusoire, et contre-productif, de vouloir freiner une révolution technologique en marche, les auteurs avancent que la solution passe par la remise en mouvement d'une société devenue trop immobile.</p>
<h3>I, Robot</h3>
<p>Le premier chapitre pourrait, et c'est délibéré de la part des auteurs, figurer en bonne place parmi les essais catastrophistes de remplacement de l'humanité par des robots. Le fil rouge du chapitre est un conte indien qui raconte que l'inventeur du jeu d'échec demanda à être payé de la manière suivante : un grain de riz sur la première case de l'échiquier, deux sur la seconde, quatre sur la troisième et ainsi de suite en doublant à chaque case. Ce n'est qu'arrivé qu'à la moitié de l'échiquier que le souverain se rendit compte que la somme demandée dépassait toutes les richesses de son royaume.</p>
<p>Il s'agit là d'une illustration classique de la progression géométrique, ou exponentielle : au départ, elle est proche de la familière progression linéraire, puis diverge de manière de plus en plus spectaculaire. Depuis ses débuts, l'informatique a suivi une progression de ce type, le phénomène le plus connu étant la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore" hreflang="fr" title="Loi de Moore-Wikipédia">loi de Moore</a><sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A#pnote-268-1" id="rev-pnote-268-1">1</a>]</sup>. L'argument des auteurs est que nous n'arrivons qu'à peine à la moitié de l'échiquier et donc que les progrès les plus importants de cette technologie sont encore à venir et arriveront beaucoup plus vite que nos esprits, habitués à une progression linéaire, ne l'anticipent.</p>
<p>Ils illustrent leur propos d'exemples visant à montrer comment les ordinateurs sont parvenus à accomplir des tâches dont on les pensait il y a peu de temps encore incapables. Ils décrivent ainsi la manière dont Google a fait circuler pratiquement sans intervention humaine une <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Google_driverless_car" title="en">flotte de dix-sept Prius</a> dans des conditions de circulation réelles pendant plus de six mois et pour un total de 230000 kilomètres sans accident notable<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A#pnote-268-2" id="rev-pnote-268-2">2</a>]</sup>, ainsi que le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Watson_%28intelligence_artificielle%29" title="fr">Projet Watson</a> qui effectue des traductions automatisées de messages instantanées pour les services de support technique.</p>
<p>De manière moins anecdotique, ils insistent sur la manière dont des machines ont rapidement remplacé vendeurs, caissiers et conseillers dans une large part des activités de contact. Il devient en outre évident que ce remplacement va prochainement toucher des professions plus qualifiées. Les documentalistes sont en première ligne face aux moteurs de recherche; les auteurs citent également les jeunes juristes, employés en masse dans le système anglo-saxon pour la recherche des textes de lois applicables et de la jurisprudence, qui sont porgressivement remplacés par des moteurs de recherche branchés sur des bases de données de textes juridiques.</p>
<p>Dans l'ensemble, j'ai trouvé convaincante la thèse de ce premier chapitre. Il est fort possible que nous ne soyons qu'au début des applications de ces technologies et que très rapidement leurs nouvelles applications nous semblent aussi incroyables que peut l'être un smartphone à la génération de nos grands-parents.</p>
<p><a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/12/08/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine-2/2">Seconde partie</a></p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A#rev-pnote-268-1" id="pnote-268-1">1</a>] Celle-ci connaît plusieurs formulation, dont la plus simple, à défaut d'être la plus exacte, est que la vitesse des microprocesseurs double tous les dix-huit mois.</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/12/01/Note-de-lecture-%3A-Race-Against-The-Machine%3A#rev-pnote-268-2" id="pnote-268-2">2</a>] En fait, le seul accident est dû à un conducteur humain venu rentrer dans l'arrière d'un des véhicules alors que celui-ci s'arrêtait à un feu rouge.</p></div>
Mainstream en epub : mise à jour
urn:md5:894afecad1960b0834212ae3afeb483c
2011-06-28T14:30:00+02:00
2011-06-28T13:57:26+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Informatique
Livre numérique
Édition
<p><strong>Suite à mon <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29">billet à ce sujet</a>, j'avais transmis à Flammarion les problèmes que j'avais rencontré à la lecture de <em>Mainstream</em> en epub. L'éditeur a eu la délicatesse de me répondre, et même mieux que ça.</strong></p> <p>Je notais en premier lieu le prix anormalement élevé de la version électronique chez un des deux libraires en ligne que j'avais consultés. Flammarion m'assure qu'il s'agissait d'une erreur dans la récupération des flux de données par le libraire en question, et que si j'avais effectivement passé la commande, j'aurais eu la bonne surprise de voir apparaître le prix normal : 7€, au niveau de celui du livre de poche. Flammarion assure par ailleurs implémenter d'ores et déjà un prix unique pour ses livres numériques, en plus de sa politique de vente des epub au prix des livres de poche (quand ceux-ci existent, j'imagine).</p>
<p>Concernant les problèmes de typographie, Flammarion me dit que les fines insécables (les espaces devant précéder les ponctuations doubles en bonne typographie française) n'existent pas en epub, mais étaient quand même implémentées par leur logiciel de lecture, ce qui les a empêché de repérer le problème. On retrouve malheureusement là un problème qui n'était que trop courant aux premiers temps du Web : l'absence de conscience du fait qu'un produit doit être testé sur plusieurs plates-formes, de préférence les plus spartiates en termes de ressources annexes (polices installées, puissance du processeur, etc). Cela demande un surcroît de travail aux éditeurs, du moins en attendant l'émergence d'un standard suffisant (epub3 a l'air un bon candidat) bien respecté par l'ensemble des plates-formes de lecture.</p>
<p>Enfin, Flammarion de dit que la mise en place d'une table des matière plus riche ainsi qu'une plus grande interactivité font partie de leur projet futurs. Ils tâchent pour l'instant de parfaire la simple transposition à l'identique d'un livre papier, ce qui est encore très nouveau pour eux.</p>
<p>À la lecture ce cette dernière partie, je m'interroge (honnêtement, je ne connais pas grand-chose à cette partie du processus de fabrication) sur les technologies utilisées dans l'édition grand public. Ce n'est en effet pas la première fois qu'un grand éditeur fait état des difficultés à produire un fichier informatique présentant une interactivité minimale (notes, références, index). Je m'en étonne à chaque fois, venant d'un domaine où des amateurs (les chercheurs) produisent des documents où toutes les notes, tables, sommaires et autres entrées d'index peuvent produire des hyperliens. <a href="http://www.pse.ens.fr/junior/perona/WP/Perona-these.pdf" hreflang="fr" title="Manuscrit de la thèse de Mathieu Perona">Ma thèse</a> en est un exemple, encore que fort simple par rapport à ce que j'ai fait pour la thèse de ma femme (index multiples, par exemple). Les habitués reconnaîtront l'emploi du formateur de texte L<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/LaTeX" hreflang="fr" title="Article Wikipédia sur le formateur de texte LaTeX">aTeX</a> augmenté du paquet hyperref. Peut-être le livre numérique va-t-il obliger les éditeurs à une amélioration substantielle des logiciels qu'ils emploient.</p>
Note de lecture : Mainstream (3/3)
urn:md5:b425cd2fe309ba0fef3ece40e5029364
2011-06-15T18:44:00+02:00
2011-07-18T08:39:28+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Liseuse
Livre
Livre numérique
Note de lecture
Édition
<p><strong>Après avoir dit tout le bien que je pensais de l'ouvrage <em>Mainstream</em> <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/13/Note-de-lecture-%3A-Mainstream">ici</a> et <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/14/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%282/3%29">là</a>, la troisième partie de cette note est destinée à exprimer toute ma frustration à l'usage de la version numérique de l'ouvrage.</strong></p> <p>Pour tout dire, c'est l'annonce de la parution de <em>Mainstream</em> sous format numérique qui m'a finalement décidé à le lire. J'ai malheureusement assez vite déchanté à l'usage. j'espère que ce coup de gueule attirera l'attention des auteurs et des éditeurs sur le fait qu'une version électronique d'un livre ne doit pas être un décalque de basse qualité de l'ouvrage papier.</p>
<h2>Jusque là tout va bien</h2>
<p>Cela commençait plutôt bien : cherchant le livre, je l'ai immédiatement trouvé sur ePagine au prix, fort raisonnable de 7€ (<a href="http://www.epagine.fr/listeliv.php?recherche=simple&mots=Fr%E9d%E9ric+Martel" hreflang="fr" title="Ouvrages de Fédéric Martel chez ePagine">ici</a>), soit moins cher que la version en poche (8,55€ à la Fnac). Surprise toutefois, la version électronique est également présente à la Fnac, mais proposée seulement sur la page de la version brochée et au prix de 14,90€ (<a href="http://livre.fnac.com/a2802681/Frederic-Martel-Mainstream" hreflang="fr" title="Mainstream à la Fnac">ici</a>). Je l'achète donc, et obtiens d'ePagine un lien de téléchargement.</p>
<h2>DRM mon amour</h2>
<p>L'ouvrage prend, c'était indiqué sur le site d'ePagine, la forme d'un fichier epub, protégé par les DRM Adobe Digital Edition. malheureusement pour moi, Adobe a décidé que le système que j'utilisais (Ubuntu Linux, dernière version et à jour), ne présentait pas les garanties de sécurité suffisantes pour qu'ils permettent d'y utiliser leur logiciel de gestion de bibliothèque, Adobe Digital Reader<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-1" id="rev-pnote-263-1">1</a>]</sup>. Évidemment, ce dernier s'installe sans piper mot sur un ordinateur utilisant Windows XP SP1, vérolé jusqu'à l'os et trou de sécurité ambulant.</p>
<p>Heureusement pour moi, ma liseuse est équipée d'Adobe Reader, qui gère ces DRM, et à une connectique Wi-Fi. J'ai n'ai donc eu qu'à y copier le lien de téléchargement et à m'enregistrer avec mon Adobe ID pour recevoir le fichier. Toutefois, j'ai rapidement constaté que la présence de DRM dégradait nettement mon expérience de lecture. À vrai dire, cela se sent très vite : si le changement d'une page est raisonnablement rapide, la liseuse met une bonne dizaine de seconde à ouvrir la première page de chaque chapitre. Avis au cryptographes : est-il raisonnable d'en déduire que cela correspond au décodage en bloc du chapitre ? Déjà pénible en soi, cela s'ajoute à un comportement étrange, peut-être propre à ma liseuse (mais j'utilise le logiciel d'Adobe, donc lui aussi est en cause) : souvent, en appuyant sur le bouton servant à aller à la page suivante, la diode d'activité s'allume, mais l'affichage reste le même. Nouvel appui, et je me retrouve deux pages plus loin, obligé de revenir une page en arrière. Le problème se corse d'ailleurs à chaque première page de chapitre, où le blocage se produit en direction avant comme arrière, la seule solution pour consulter la page concernée étant de changer la taille des caractères (ce qui permet ensuite de la consulter parfaitement normalement). Cela ne se produisant pas sur les epub sans DRM, je pense pouvoir pointer ceux-ci comme responsables de ces dysfonctionnements.</p>
<h2>Un ebook bâclé</h2>
<p>Ceci est toutefois secondaire par rapport à la qualité déplorable du fichier epub lui-même. Frédéric Martel faisant un large usage des citations, je me rends vite compte que le typographe électronique a oublié de mettre des espace insécables autour des guillemets. Je me retrouve ainsi à presque chaque page avec des guillemets ouvrants en fin de ligne ou des guillemets fermants en début de ligne. Cela me met la puce à l'oreille : dans l'introduction, je m'étonnais que Martel abuse autant du double point d'interrogation, finissant chacune de ses interrogatives par un ??. Je comprends alors que le point d'interrogation surnuméraire est en fait une espace insécable, mal codée. Le reste de la typographie est à l'avenant : l'usage des petites capitales pour les débuts de partie me gratifie d'un magnifique «
AU CœUR DES ÉCOLES DE CINÉMA AMÉRICAINES »<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-2" id="rev-pnote-263-2">2</a>]</sup>. Plus généralement, tous les noms que Martel a pris soin de retranscrire avec des diacritiques un peu exotiques s'en retrouvent endommagés, par exemple le « sho¯jo manga »<sup>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#pnote-263-3" id="rev-pnote-263-3">3</a>]</sup>. Enfin, si le fichier a bien un sommaire utilisable (encore heureux), la table des matières n'est, elle, pas interactive (c'est-à-dire qu'elle ne permet pas d'aller aux chapitres listés, et comme elle ne donne pas non plus de numéro de page, elle est juste inutile).</p>
<p>Il m'a en outre semblé que l'éditeur aurait pu tirer un minimum partie du format électronique. Pour des raisons de taille, les notes de bas de page de l'ouvrage ont été écartées de la version papier : il faut aller sur le site de Frédéric Martel pour les lire. L'argument de place devenant caduc, on aurait pu imaginer que l'éditeur les réintègre dans la version numérique. Il n'en est rien, pas plus que les termes de l'index ne sont liés à leurs occurrences (ni dans sens ni dans l'autres, d'ailleurs), pas plus que le sommaire numérique ne propose un niveau de détail plus élevé que la table des matière papier (alors que l'organisation de l'ouvrage s'y prêtait, et qu'une telle table détaillée aurait constitué un moyen fort utile de navigation lorsque le format numérique et les DRM — honnis soient-ils — ne permettent pas un feuilletage confortable).</p>
<p>N'eut été l'intérêt du texte de Martel, ces défauts m'auraient fait abandonner la lecture de l'ouvrage. Je ne peux m'empêcher de me sentir passablement floué par Flammarion (qui a peut-être des explications à demander à son prestataire, Meta-systems, <a href="http://www.meta-systems.fr/" hreflang="fr" title="Site de Meta-Sytems">dont le site fait très Web 0.99</a>), de me fournir un fichier qui n'est même pas à la hauteur de son équivalent papier. Et je suis également déçu que l'éditeur n'ait pas jugé utile de fournir à ce livre numérique le minimum de fonctionnalités supplémentaires qu'on peut attendre de ce format pour un ouvrage de ce type.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-1" id="pnote-263-1">1</a>] Note pour les utilisateurs d'Ubuntu : Wine sait faire tourner un Adobe Digital Edition installé sur une partition Windows.</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-2" id="pnote-263-2">2</a>] Avec au passage une seconde erreur de typographie, puisque le A initial est aussi en petites capitales, alors qu'il devrait être en capitales normales</p>
<p>[<a href="http://www.leconomiste-notes.fr/index.php?post/2011/06/15/Note-de-lecture-%3A-Mainstream-%283/3%29#rev-pnote-263-3" id="pnote-263-3">3</a>] Oui, je sais, les macrons,...</p></div>
Note de lecture : Mainstream (2/3)
urn:md5:98ed10934460c5f015f5d904a8091721
2011-06-14T15:33:00+02:00
2011-06-15T17:01:41+02:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Cinéma
Droit d auteur
Livre
Musique
Note de lecture
Propriété intellectuelle
Radios
Télévision
Édition
<p><strong>Ceci est la deuxième partie d'une note commencée <a href="http://www.leconomiste-notes.fr/dotclear2/index.php/post/2011/06/13/Note-de-lecture-%3A-Mainstream">ici</a>. Dans la deuxième partie de son livre, Martel explore les marchés internationaux de contenus. Sous le titre « La guerre culturelle mondiale », il décrit à mon sens moins un guerre que la fin d'un monopole, avec un mélange de stratégies protectionnistes ou promotionnelles qui dessinent les possibles de la géographie future des échanges culturels.</strong></p> <h2>Les lieux de la production culturelle mondiale</h2>
<p>Cette partie prend la forme d'un tour du monde, sur les lieux de la production ou de la consommation de contenus.</p>
<p>Première étape, la Chine, représente le rêve des producteurs de contenus américains. Et aussi leur cauchemar : malgré des sommes colossales investies, les entreprises de pénétration de ce marché ont échoué, soit face au mur de la censure, soit face à des changements brutaux de législations, avec à l'occasion leur expropriation pure et simple. Au point qu'en l'état, ils semblent contraints soit à financer des entreprises dirigées de fait par des Chinois, soit à passer par l'immense petite porte d'un marché pirate florissant (on apprend ainsi que, sans grande surprise, copies légitimes et pirates des CD, DVD et jeux vidéo sont très probablement produits par les mêmes usines). Par ailleurs, la créativité semble se concentrer à Hong-Kong où à Taïwan, là où pèse moins la censure.</p>
<p>Suivent l'Inde (Bollywood), le Japon (mangas), l'aire est-asiatique (J-Pop, K-Pop, Canto-Pop, dramas), l'Amérique latine (telenovelas), le Moyen-Orient (Al-Jeezira et Rotana) et enfin l'Europe et sa culture anti-mainstream. Si les aires géographiques et les produits sont différents, ce parcours s'articule selon deux axes, celui de la tension entre marché local et marché mondial, et celui, lié, de la guerre des valeurs.</p>
<h2>Marché local et marché mondial</h2>
<p>Les productions culturelles examinées par Martel ont en commun de procéder souvent assez fortement d'une culture locale, qu'il s'agisse des films indiens ou des mangas japonais. Malgré des stratégies délibérées d'hybridation (groupes polyglottes chantant en japonais, coréen ou chinois selon le marché visé), ces produits peinent à trouver de larges parts de marché hors de leur zone d'origine. De manière très éclairante, ces difficultés d'exportation révèlent l'existence d'hétérogénéité dans des zones qu'on penserait culturellement homogènes, comme une Asie du Sud-Est toujours ambivalente dans ses relations avec le Japon, ou une Amérique Latine, avec le Brésil lusophone comme isolat et où les séries doivent faire l'objet de doublages entre dialectes de l'espagnol. Résultat, seuls s'exportent massivement les biens les moins marqués culturellement, suivant en fait le même processus perte d'identité qui fonde le succès des contenus américains. Au point d'ailleurs que Miami, ville américaine, fait figure de capitale de la musique pop d'Amérique du Sud, car seule à offrir à la fois un environnement légal et commercial stable, et à réunir des communautés des différents pays.</p>
<h2>La guerre des valeurs</h2>
<p>Cet autre axe, qui conduit à la conclusion de l'ouvrage, décrit la manière dont les conflits de valeurs s'invitent dans le commerce des contenus, mettant en scène, selon Martel, une bataille mondiale du <em>soft power</em>, celui des représentations. En fait, plus qu'une guerre globale, il me semble mettre en évidence les contradictions au sein même des aires culturelles. Ainsi, si Al-Jeezira est devenue sans doute la chaîne la plus regardée du monde arabe, elle a atteint cette position en prenant à rebrousse-poil tantôt les nationalistes panarabes, tantôt les fondamentalistes musulmans. Dans le même ordre d'idées, Rotana, bouquet détenu par le prince saoudien Al-Waleed et dont l'objectif avoué est de promouvoir les valeurs de l'Islam, a fait son succès sur des clips montrant des danseuses légèrement vêtues (tournés à Beyrouth) et des séries tournées au Caire, avec là aussi plus de liberté que dans les pays du Golfe. De fait, montre Martel, les attitudes de consommation sont à l'avenant : on trouve, dans les mêmes quartiers, des villipendeurs du vice de l'Occident et un large accès à tous les produits culturels de celui-ci, du dernier blockbuster au film pornographique.</p>
<h2>Quel avenir pour la production de la culture de masse ?</h2>
<p>La démonstration de Martel illustre si besoin était (et dans certains milieux, besoin il y a) qu'à côté de la logique de longue traîne, les médias, Internet compris, continuent de constituer les vecteurs essentiels des contenus qui tout à la fois répondent et forment les représentations des sociétés dans leur ensemble. Il montre aussi, presque à rebours de sa thèse, qu'il est difficile pour un pays ou un individu, si puissant fût-il, d'utiliser ces vecteurs pour évincer les produits de l'industrie américaine. Même une censure féroce ne permet pas à la Chine d'endiguer son marché noir intérieur, et les moyens de Rotana ne l'ont pas dispensée d'adopter les formats et les audaces en termes de mœurs des émissions américaines. De ce fait, les ambitieuses déclarations de responsables Chinois, Indiens ou Saoudiens, sur le thème « Nous sommes le prochain Hollywood » (que Martel ne reprend d'ailleurs pas à son compte) me laissent assez sceptique. En revanche, ils indiquent qu'on peut s'attendre à une diversification accrue des lieux de production de la culture de masse, chaque lieu embarquant une partie, mais une partie seulement, de sa culture d'origine.</p>
<p>À la fin du livre, je n'ai pu m'empêcher d'y voir pour partie une vaste démonstration de la thèse de Tyler Cowen selon laquelle la mondialisation augmente la diversité des biens culturels disponibles pour chaque individu, mais réduit la diversité des biens culturels disponibles pour l'ensemble des individus. En montrant comment l'adoption de formats communs et le gommage d'éléments identitaires trop saillants constituent des conditions nécessaires à l'accès au marché de masse, Martel enracine cette thèse dans le fonctionnement même de ces marchés.</p>
<p>Au final, le succès même de l'ouvrage, avec ses nombreuses traductions, atteste de l'intérêt de l'enquête de Frédéric Martel, de ce voyage au cœur et aux marges de la production de la culture de masse. Qu'on adhère ou non à sa thèse sur l'existence d'une guerre du <em>soft power</em>, ce livre a le mérite de poser clairement les enjeux de la culture de masse pour probablement les dix ou vingt années à venir.</p>
Note de lecture : La Neutralité d'Internet
urn:md5:15b7a0ac5d7931593375c6ecb33e65cc
2011-03-20T22:25:00+01:00
2011-03-21T08:54:50+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Informatique
Internet
Neutralité
Note de lecture
<p><strong>La <a href="http://www.nonfiction.fr/article-4398-la_neutralite_du_net_vue_par_les_regulateurs.htm" hreflang="fr" title="Note de lecture : La Neutralité d'Internet">note elle-même</a> est à aller lire sur NonFiction.fr.</strong></p> <p>Vos commentaires sont les bienvenus, ici ou là-bas.</p>
Note de lecture : L'Édition électronique
urn:md5:f984d7eaaa1ba4ec3ea2e33becd9446f
2010-11-08T18:32:00+01:00
2010-11-08T18:33:34+01:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<p><strong>La faible activité de le blog s'explique en large partie par le fait que les sujets qui pourraient faire l'objet de billets intéressent d'autres sites et demandent un travail un peu plus poussé. Par exemple, cette note de lecture, publiée sur <em>La vie des idées</em>.</strong></p> <p><a href="http://www.laviedesidees.fr/Les-electrons-libres-de-l-edition.html" hreflang="fr">Lien vers la note</a>. Commentaires bienvenus. Pour comparer, vous pouvez aussi lire <a href="http://www.nonfiction.fr/article-3553-la_troisieme_revolution_du_livre.htm" hreflang="fr">celle de Rémi Mathis</a> sur <em>NonFiction.fr</em>.</p>
Une analyse conservatrice de la crise
urn:md5:3cb38b9aaff88f170df5015b9c4e9b47
2009-10-09T14:58:57+00:00
2009-10-09T14:58:57+00:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<p><strong>J'ai fait une <a href="http://www.laviedesidees.fr/Une-analyse-conservatrice-de-la.html">note de lecture</a> pour <em><a href="http://www.laviedesidees.fr">La Vie des Idées</a> au sujet de l'ouvrage de Richard A. Posner, </em>A Failure of Capitalism. The Crisis of ’08 and the Descent into Depression'', Harvard, Harvard University Press, 2009.</strong></p> <p>La note est en ligne, vous pouvez commenter ici.</p>
''Arts and Economics'', Bruno S. Frey (III)
urn:md5:457045156f4c7956790ac432ba1d8867
2009-07-21T16:35:00+00:00
2011-02-02T15:36:14+00:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<h3>Impression d'ensemble de l'ouvrage</h3>
<p>Prises individuellement, la plupart des contributions qui composent cet ouvrage sont intéressantes. Cependant, leur assemblage conduit à de très nombreuses répétitions et redites qui usent un peu la patience du lecteur. J'ai souvent eu hâte d'en arriver à la contribution spécifique de chaque chapitre, les premières pages rappelant ce qui avait fait l'objet des chapitres précédents. Inversement, les liens entre les parties ne sont pas toujours bien établis. Il faut donc aborder d'emblée cet ouvrage comme un recueil d'articles sur un sujet qu'un parcours organisé des champs traités. Si on le prend dans ce sens, il vaut certainement la peine d'être lu. Les questions de la place de la consultation publique en matière de politique culturelle, de l'organisation des musées et de la question des copies sont trop souvent abordées à coups de préjugés qui ne rendent pas justice aux conséquences des décisions prises.</p>
<p>Sur la forme, la piètre qualité matérielle du livre m'en a un peu gâché la lecture. Certes, je peux imaginer qu'une reliure souple, une encre qui bave un peu et un papier un peu rêche peuvent aider à diminuer les coûts d'un tel livre. Sauf qu'Amazon le <a href="http://www.amazon.fr/Arts-Economics-Analysis-Cultural-Policy/dp/3540002731">propose</a> plus cher que le <em><a href="http://www.amazon.fr/Economics-Culture-David-Throsby/dp/0521586399">Economics and Culture</a></em> de David Throsby, à la présentation irréprochable. Je ne peux m'empêcher d'y voir un nouvel avatar des pratiques discutables de Springer dans le domaine académique, qui use et abuse de son pouvoir sur la demande captive que représentent les institutions d'enseignement et de recherche. C'est d'autant plus évident que les coûts de production de cet ouvrages ne sont que ceux de la reprise d'articles déjà publiés. C'est surtout très vexant quand les coquilles sont assez abondantes, et que le texte présente des erreurs de mise en page qui font parfois penser à un document amateur. Je pense en particulier aux sauts de page dans les articles originaux qui viennent comme des cheveux sur la soupe sous la forme de blancs entre deux lignes au beau milieu d'une page du livre. Certes, la domination du format article nuit à la diffusion des résultats de recherche dans les milieux proffessionels concernés, et la publication des résultats sous forme de livre peut contribuer à y remédier, même si c'est pour les auteurs une tâche peu valorisée. Mais à mon sens, les idées et les arguments de ce livre méritaient mieux que cela en matière de mise en cohérence éditoriale et de mise en forme matérielle.</p>
''Arts and Economics'', Bruno S. Frey (II)
urn:md5:9911ad1cd29e0f5d2a17887bec428fd3
2009-07-21T16:34:00+00:00
2011-02-02T15:38:38+00:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Beaux-Arts
Musées
<h3>Troisième partie : le financement public des arts et de la culture</h3>
<p>Les articles présentés dans cette partie sont sans doute ceux présentant l'intérêt le plus large. Comme on l'a vu, l'évaluation de la désirabilité du soutien public aux arts et à la culture par les économistes est suspect d'un biais favorable, et repose par ailleurs sur des hypothèses fortes concernant l'utilité des consommateurs. L'argument de Frey est que poser la question ainsi est un peu mettre la charrue avant les bœufs. Ne conviendrait-il pas, en effet, de commencer par poser la question aux personnes concernées, c'est-à-dire les consommateurs en tant que citoyens ?</p>
<p>Évidemment, une telle suggestion attaque frontalement le préjugé voulant que les électeurs dans leur ensemble soient incapables d'avoir des opinion pertinentes en matière culturelle ou artistique. Frey va donc s'attacher à montrer que c'est faux. En sus des enquêtes de valuation contingentes (méthode dont il rappelle les faiblesses), qui montrent une importante disposition à payer pour la préservation du patrimoine et le financement de la création, Frey dispose d'expériences naturelles intéressantes : les votations suisses portant spécifiquement sur des subventions culturelles.</p>
<p>Une des contributions présentées se livre à une étude détaillée des déterminants du vote dans ce type de cas, sur la base d'une votation où sont disponibles les résultats bureau par bureau. Il me semble en effet que la méthode employée est peu robuste (fondamentalement, une régression sur 27 points, ce qui est peu pour un cadre de variables censurées). En revanche, l'étude systématique des résultats des votations sur le sujet de manière transversale révèle de manière solide que, contrairement aux idées reçues, les votants sont plus susceptibles de se prononcer en faveur d'une dépense culturelle, et que ce (léger) biais favorable s'accroît dans le temps, alors que le nombre de vote défavorable à d'autres dépenses de montant comparable augmente.</p>
<p>Comment réconcilier ce résultat <em>ex post</em> avec le peu d'intérêt pour les arts constaté <em>ex ante</em> dans les statistiques de consommation culturelles ? Selon Frey, l'erreur est de ne pas prendre en compte l'effet propre de la votation. Celle-ci est un effet un moment où le thème de la culture est abordé dans le débat public, et où les arguments concernant le soutien public aux arts peuvent quitter le cercle des seuls amateurs. Pour les mêmes raisons, des citoyens faiblement consommateurs prennent alors conscience de l'ampleur (ou du manque d'ampleur) de la vie culturelle de leur ville et du rôle des institutions culturelles et de la présence d'artistes dans le fonctionnement économique et social de leur environnement. Il reprend donc l'argument à l'envers : l'apparent manque d'intérêt du public pour les arts est une conséquence du manque d'implication dans le débat public, pas un fondement du manque d'implication.</p>
<p>Il faut noter que Frey suit pas le raisonnement voulant qu'en l'absence d'une définition satisfaisante de la qualité d'une uvre d'art (ni même de définition claire de ce qu'est une œuvre d'art), la décision majoritaire (sous la forme de la demande) soit la meilleure métrique de la qualité à notre disposition. Frey montre au contraire qu'à rebours de l'idée commune, les décisions démocratiques concernant le soutien des arts vont le plus souvent dans le sens souhaité par les amateurs d'art eux-mêmes. Citoyens ne rime donc pas avec Phillistins. Frey plaide donc en conséquence pour une plus grande décentralisation du processus de décision des politiques culturelles, afin de faire apparaître directement ces enjeux dans le débat public.</p>
<p>Même si la démonstration est, pour des raisons structurelles, concentrée sur le cas de la Suisse, l'argument de Frey me semble convaincant. La défiance, parfois le souverain mépris, de certains milieux culturels pour le grand public semblent enracinés dans une tradition sociale plus que dans une réalité des comportements quand la question est posée directement au public. Évidemment, la chose comporte des éléments importants de <em>framing</em> : seules certaines dépenses sont proposées aux voix des électeurs, et l'arbitrage n'est pas entre un stade et un musée, mais entre un musée (si la réponse est oui), et peut-être un stade si les fonds correspondant ont réalloués à cet usage. Malgré cela, Frey apporte ici beaucoup d'eau au moulin de David Throsby quand ce dernier cherche à démontrer que les comportements de consommation n'épuisent pas, loin s'en faut, la propension à payer des consommateurs quand il s'agit de biens culturels. Ces derniers sont en effet disposés à financer des biens et services qu'ils ne consommeront vraisemblablement jamais, mais dont ils apprécient la possibilité de les consommer un jour, de les léguer aux générations futures, voire la simple existence.</p>
<h3>Quatrième partie : l'évaluation des œuvres d'art</h3>
<p>Cette partie traite des déterminants de l'évaluation des œuvres d'arts mesurée par les prix obtenus par les ventes aux enchères. Cette question du rendement financier des biens artistique a fait l'objet d'une littérature assez abondante, qui, dans son ensemble, laisse Frey assez sceptique. Beaucoup de papiers y sont en effet des démonstrations de virtuosité technique (dans le domaine de l'économétrie), ayant pour motivation l'existence de données. Ces démontration conduisent trop rarement, estime Frey, à des résultats robustes concernant les mécanismes d'évaluation des œuvres d'art et le fonctionnement de ces marchés. Le seul résultat vraiment solide qu'il faille en retenir est semble-t-il celui voulant qu'en moyenne, l'investissement dans les œuvres d'art soit moins rentable en termes financiers que l'actif sans risque de référence de la période considérée.</p>
<p>Une fois ce résultat connu, la question est d'expliquer cet écart entre le rendement d'un actif (très) risqué et celui d'un actif sans risque. La première raison est que le marché des œuvres d'art est composé très largement de collectionneurs qui sont plus intéressés par l'utilité qu'ils dérivent de la possession et de la contemplation des œuvres que par l'investissement financier qu'elles représentent. Des biais comportementaux, comme l'effet de dotation (le fait de posséder un bien biaise vers le haut l'évaluation que nous en faisons), renforcent cet effet. Cependant, Frey montre que l'écart entre le rendement de deux type d'actifs considérés conduirait à estimer que de nombreux collectionneurs, par ailleurs hommes d'affaires avisés, ont des valorisations colossales de l'utilité qu'ils retirent des œuvres qu'ils possèdent. À lire les chiffre, tout expliquer par le seule flux d'utilité semble un brin héroïque.</p>
<p>Frey fait alors remarquer que la structure des marchés de l'art n'est de pas celles qui supportent les hypothèses usuelles d'un marché efficient, et donc que les séries de prix observées doivent être prises avec énormément de précautions. Il s'agit en effet de marchés très peu profonds (relativement peu d'œuvres et peu de transactions), avec des asymétries d'information très importantes, des statuts juridiques très différents (dans de nombreux pays, les œuvres d'art font l'objet d'exemptions fiscales qui, au niveau de revenu des acquéreurs, ne sont pas négligeables), et des acteurs de poids (les musées) dont les comportements et les dotations dépendent de facteurs assez largement exogènes. Pour Frey, la question centrale serait donc de comprendre comment fonctionnent les marchés de l'art, et s'il serait possible de les rendre plus efficaces. Question qui lui permet de revenir à la charge sur la question des musées, dont le comportement de thésaurisation contribue à assécher le marché d'œuvres de qualité.</p>
<p>Pour le non-spécialiste, le papier le plus motivant est sans doute celui qui forme le dernier chapitre. Frey s'y interroge en effet sur le rôle que peuvent jouer les copies d'œuvres d'art et sur les raisons de la valeur particulière accordée à un original à une époque où il est possible d'en faire des reproductions de très haute qualité. La question a du poids au moment où se multiplient les passes d'armes juridiques entre musées s'arrogeant des droits de reproduction sur les œuvres (souvent dans le domaine public) dont ils ont la garde et les organisations souhaitant utiliser des reproductions des œuvres en question.</p>
<p>L'idée d'un musée de copies n'est pas neuve. Le <em>Victoria and Albert Museum</em> de Londres abrite un salle témoignant de vastes campagnes de moulage destinées à rendre accessible à la population de Londres les chef-d'œuvres de l'art européen au XIXe siècle. À la Libération, c'est Malraux qui parlait d'un musée imaginaire où seraient regroupées des copies des œuvres essentielles de l'humanité, permettant de donner accès à celles-ci à une majeure partie de la population. Ce dernier projet a échoué sur l'aura dont bénéficie l'original par rapport à ses copies dans la société contemporaine (il n'en fut pas toujours ainsi). C'est cependant l'occasion pour Frey de se demander si le comportement actuel des institutions de conservation ne nuit pas grandement à la diffusion des œuvres dont elles ont la garde. Et de revenir à la charge sur l'idée que ce comportement est lié au fait que la vente des produits dérivées est un des rares types de recettes des musées qui ne soit pas (implicitement) taxé à 100 %. Si ce n'était pas le cas, affirme-t-il, les musées auraient des politiques beaucoup plus généreuses de reproductions de leurs collections, la présence de ces reproductions dans l'espace public et privé augmentant le désir de voir les originaux.</p>
''Arts and Economics'', Bruno S. Frey (I)
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2009-07-20T22:46:00+00:00
2011-02-02T15:40:08+00:00
Mathieu P.
Notes de lecture
Musées
<p><strong>Je viens de terminer la lecture de l'ouvrage <em>Arts and Economics</em>, sous titré "Analysis and Cultural Policy", dans sa Seconde édition datant de 2003, chez Springer-Verlag. Je dois dire que j'en ressors avec une impression assez partagée. D'un côté, le propos d'ensemble est intéressant, et devrait constituer une connaissance commune dans le cadre des débats de politique culturelle. De l'autre côté, l'ouvrage est une juxtaposition d'articles, de qualité selon moi inégale, avec beaucoup de redites et manquant d'un mouvement d'ensemble. Je crains donc que pour le non-spécialiste, le manque de finition de l'ouvrage ne desserve la qualité des arguments essentiels.</strong>
<strong>Cette note de lecture étant un peu longue, je vais la sectionner en deux billets.</strong></p> <p><em>Note : je mets en ligne ce billet trop tard pour une relecture décente. Les faute d'orthographes risquent donc d'y être nombreuses, je vous prie de m'en excuser.</em></p>
<h3>Organisation de l'ouvrage</h3>
<p>L'organisation du livre met en évidence ses lignes de force. Dans une première partie, Frey donne sa vision méthodologique de l'économie de la culture. La deuxième partie est consacrée à l'analyse des institutions culturelles, en particulier des musées et des festivals. Une troisième partie traite des moyens de politique publique d'encouragement des arts, et la quatrième partie s'intéresse au problème de l'investissement dans et de l'évaluation des biens artistiques.</p>
<p>La structure un peu composite de la partie IV révèle ce qui est, à mon sens, un des problèmes du livre : il s'agit plus d'une collection d'essais que d'un propos structuré, les apports principaux étant ceux des parties II et III.</p>
<h3>Première partie : Qu'est-ce que l'économie de la culture ?</h3>
<p>Dans cette partie, l'auteur expose ce qu'est et doit être, selon lui, l'économie de la culture.</p>
<p>De tout l'ouvrage, c'est peut-être la plus datée à mon sens. Frey y défend à la fois la pertinence des outils « néoclassiques » (en fait de l'économie <em>mainstream</em>, les outils cités dépassant de loin le cœur de l'économie néoclassique) et l'intérêt des approches qualifiées d'« hétérodoxes » (avec les mêmes limites que ci-dessus), en particulier les apports de l'institutionnalisme et du béhaviorisme. Il me semble que la composition retenue pour le <em>Handbook of the Economics of Arts and Culture</em> rend un peu caduque une telle défense, puisqu'elle fait la place à tous ces types d'approches.</p>
<p>L'élément le plus intéressant est sans doute le moins économique. Frey se livre en effet à une petite sociologie des économistes intéressés par les thèmes de l'économie de la culture. Il met en évidence que la plupart d'entre eux sont des amateurs d'art éclairés, pratiquant parfois une activité artistique à un niveau respectable. Il s'interroge ainsi sur les conséquences de tels liens. En particulier, il note que deux idées sont acceptées pratiquement sans discussion dans le milieu, alors qu'elles n'ont rien d'évident (Tyler Cowen est une exception notable). La première est que les arts et la cultures sont non seulement bon en soi, mais préférables à la plupart des autres biens et services, et à ce titre leur consommation comme leur production doivent être encouragées, défendues et, souvent, subventionnée. Il met là le doigt sur un point fort délicat. On attend de l'économie de la culture qu'elle propose des <em>'résultats</em>' sur l'évaluation de l'action publique culturelle, pas qu'elle prenne comme prémisse que cette action est désirable. Frey suggère que l'abandon de la question « à quoi sert la culture » soit plus ou moins un prérequis permettant aux économistes d'aborder les acteurs du champ culturel sans y faire face à une hostilité radicale. Frey lui-même aborde la question en passant en revue les réponses qui ont été apportées, notamment par David Throsby, et les moyens empiriques d'estimer l'importance attachée à la culture, regrettant que les résultats en ce domaine soient fort parcellaires.</p>
<p>L'autre point trop peu discuté au goût de Frey est l'idée selon laquelle le grand public (<em>i.e.</em> le consommateur souverain de la quasi-totalité des modèles économiques) ne soit pas un position de prendre des décisions éclairées sur les biens culturels, la masse choisissant nécessairement des biens de qualité inférieure. Là aussi, Frey voit l'influence des mécanismes de distinction, particulièrement forts et visibles dans les milieux artistiques. On verra comment dans la troisième partie de ce livre, il bat en brèche cette idée.</p>
<p>Cette introduction s'adresse à mon sens à des personnes travaillant déjà dans le domaine culturel ou à des économistes abordant ce domaine, et met le doigt sur certains biais pertinents du champ. La description de ce dernier, cependant, me semble faire la part un peu trop belle à des lignes de fracture méthodologiques sans doute un peu réductrices.</p>
<h3>Deuxième partie : analyse des institutions culturelles</h3>
<p>On arrive ici au cœur du sujet. Dans les différents papiers qui composent cette section, Frey essaye de relier la structure institutionnelle des institutions culturelles et leur manière d'accomplir leur mission. Les grand musées sont son sujet de choix, mais il montre comment son raisonnement s'étend sans peine aux festivals et aux institutions culturelles de moindre ampleur.</p>
<p>L'argument central de toute cette partie est que les directeurs de ce type d'institutions devraient bénéficier d'une très large autonomie dans la gestion des ressources qui leur sont allouées. Frey se fait en particulier l'avocat de deux mesures allant directement à l'encontre des pratiques de tous les musées publics et de la plupart des musées privés : d'une part donner la possibilité aux musées de vendre des éléments de ses collections, et d'autre part leur accorder l'entier bénéficie de l'ensemble des recettes de leur activité (et réciproquement la responsabilité des dettes non anticipée).</p>
<p>Pour les collections, l'idée est que les collections des grands musées sont le plus souvent pléthoriques, une majorité (parfois très large) d'œuvres n'étant tout simplement pas assez intéressantes (par rapport aux chef-d'œuvres de la collection) pour être exposées. Ces œuvres restent donc indéfiniment dans les réserves. Dans le bilan du musées, elles ne pèsent pas lourd, puisque ne sont imputées que les dépenses afférentes à leur conservation. Frey pointe l'incohérence de cette nombre comptable par rapport aux outils habituels de gestion des stocks. En effet, si ces œuvres ne sont as assez intéressantes pour un musée, elles sont susceptibles de constituer des pièces très intéressantes pour des collections privées. À voir les marchés de l'art, il existe certainement une demande solvable pour ces pièces. En conséquences, leur valeur dans le bilan du musée doit être mesurée à l'aune du coût d'opportunité de les garder en réserve : est-ce que ce que la possession de cette œuvre par le musée lui apporte un bénéfice supérieur à ce que sa vente lui permettrait de faire immédiatement (en termes d'aménagement du musée ou d'acquisition d'autre pièces qui combleraient des vides de la collection, par exemple) ?</p>
<p>Le plus souvent, la plus-value marginale de telles œuvres est pratiquement nul, d'autant plus faible d'ailleurs que les particuliers acceptent souvent de prêter des éléments de leurs collections pour des expositions temporaires (un tel prêt augmentant la visibilité, et donc la valeur, de l'œuvre prêtée). Frey ajoute que la mise sur le marché progressive de ces réserves est dans l'intérêt de l'art (ces œuvres seraient vues et circuleraient plutôt que de dormir dans des cartons) et ne nuirait pas nécessairement aux impératifs de conservation (il existe déjà des dispositions légales concernant les biens culturels important détenus par des particuliers). Il imagine ainsi la possibilité non seulement de vendre, mais aussi de louer des œuvres, ce dernier arrangement permettant aux amateurs de découvrir de nombreuses œuvres différentes,tout en permettant au musée de vérifier régulièrement l'état de conservation des pièces.</p>
<p>Au-delà du dogme de l'incessibilité, Frey explique que l'arrangement institutionnel actuel ne permet pas ce genre de choses pour les musées publics. En effet, les règles de comptabilité publique font que le produit d'une telle vente retourne quasi-automatiquement dans le pot commun des ressources de l'État, ce qui correspond pour le musée cessionnaire à une taxe implicite de 100 %. L'auteur en veut pour preuve la différence de comportement sur les marchés de l'art entre les musées d'art contemporain européens et le Museum of Modern Art de New York, ce dernier finançant par des cessions sa politique très active d'acquisitions. Il renforce sont argument en comparant les situations des festivals, montrant que la montée en puissance des subventions publiques dans des festivals à l'origine privée conduit à un rationnement des places disponibles (plutôt qu'à une augmentation de leur prix ou des spectacles proposés pour suivre la demande) et à une réduction de l'ambition artistique (ou au contraire la fuite en avant vers des œuvres au public très restreint). Frey ne cite pas cet exemple, mais le fonctionnement du Festival d'Avignon, avec son « On », son « Off » institutionnalisé et son « Off du Off » me semble illustrer assez bien son propos.</p>
<p>De manière similaire, le financement des musées public conduit à une généralisation de l'argument de la taxe implicite. Qu'il s'agisse de musées ou de festivals, on sait souvent que l'État ou les collectivités concernées combleront le déficit éventuel. Ainsi, tout surplus dû à une amélioration de la collection ou des conditions d'accueil entraîne une réduction correspondante de la subvention allouée, ce qui ne pousse pas à améliorer la fréquentation de la collection permanente, hors un fonds de clientèle, souvent assez captive (les touristes qui vont voir la Joconde au Louvre), et qui suffisent tenir le rang du musée en termes de nombre de visites. Frey voit là une des causes de l'engouement des musées pour les expositions temporaires. De par leur nature temporaire justement, les recettes générées ne sont pas intégralement déduites du calcul de la subvention du musée pour les années suivantes. Cela fournit une incitation à augmenter les recettes de cette nature, qui peuvent être réutilisées comme le musée l'entend. L'effet est encore augmenté par un levier de sous-estimation des coûts. Le plus souvent, les expositions temporaires sont organisées avec le personnel et dans les locaux du musées, dépenses incluses dans les charges générales du musées et non intégralement imputées au budget spécifique de l'exposition concernée. La valeur d'opportunité d'avoir des salles fermées, moins de personnel et de surfaces disponibles pour la collection permanente n'apparaît dans aucun bilan comptable, alors qu'il faudrait imputer l'ensemble de ces coûts au budget de l'exposition permanente.</p>
<p>En conséquence, Frey propose d'accorder aux musées une autonomie décisionnelle et budgétaire beaucoup plus importante qu'à l'heure actuelle, sous condition d'un cahier des charges strict en matière d'expertise et de conservation de la collection. L'idée n'est pas de demander aux musées de s'autofinancer, mais que la subvention publique prenne la forme d'une dotation fixe, prévisible, couvrant le cœur de l'activité du musée. La direction du musée serait alors libre d'user à sa guise des recettes que sa politique d'accueil du public (souvent le parent pauvre des musées actuels, avec des cartels désespérément laconiques et des audioguides onéreux et au contenu souvent très élémentaire) lui permettrait d'obtenir, et inversement responsable des déficits encourus.</p>
<p>En lisant cette partie, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver l'argument convaincant, même si je trouve que Frey pousse un peu loin les recommandations qui en découlent, ce qui est probablement délibéré de sa part. Force est de constater, me semble-t-il, l'écart entre l'ampleur du trésor de guerre (parfois au sens propre) amassé par les grands musées et la faiblesse des efforts faits en direction du public, les musées se reposant volontiers sur des bénévoles. Le matériel pédagogique disponible est souvent très en-deçà de ce que la technologie et l'état des connaissances permettrait. L'écart est frappant lorsque vous faites une visite guidée avec un bon guide, qui peut traiter à la fois des aspect techniques, du contexte historique de l'œuvre et de sa place dans le programme artistique de l'auteur. L'obstacle n'est pas technique, mais matériel : produire ces contenus est cher, et fait concurrence aux produits dérivés (catalogues, guides), vendus par les musées et dont ils peuvent récupérer le produit, contrairement aux entrées supplémentaires.</p>
<p>Je ne suis toutefois pas convaincu par l'idée que le système de circulation des œuvres entre musées, qui repose sur le prêt gracieux et non sur la location, soit particulièrement inefficace. Certes, l'argument de coût d'opportunité joue dans ce cas aussi, contribuant à sous-estimer le coût de ces échanges, mais il ne me semble pas clair que la demande pour de telles uvres soit suffisante pour permettre la mise en place d'un marché qui ne serait structurellement dominé par un très petit nombre d'agents disposant d'un très fort pouvoir de marché (donc un marché peu efficace).</p>
<p>En tout état de cause, le travail de Frey et de ses co-auteurs plaide pour une remise à plat des statuts des principaux musées, et d'une délimitation claire de leur mode de financement, de leurs moyens d'action et de leurs objectifs. Ceux qui veulent en savoir un peu plus sur la théorie économique des musées peuvent consulter <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_%C3%A9conomique_des_mus%C3%A9es">l'article Wikipédia</a> correspondant, largement inspiré du chapitre du <em>Handbook</em>, rédigé par Frey et Stephan Meier.</p>
Les prix Nobel d'économie
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2009-04-26T22:30:07+00:00
2009-04-26T22:44:21+00:00
Mathieu P.
Notes de lecture
<p><strong>En rentrant de vacances, j'ai fini l'ouvrage d'<a href="http://www.mafeco.fr/?q=nobels">Emmeline et Jean-Édouard</a> intitulé <em>Les prix Nobel d'économie</em>, dans la collection « Repères » à La Découverte. Un ouvrage de première référence fort utile.</strong></p> <p>Il y a beaucoup à dire sur le thème des prix Nobel d'économie. Emmeline et Jean-Édouard ont eu le mérite de trancher dans les débats creux sur le statut exact de ce prix pour aller à l'essentiel : qui sont les récipiendaires, quels sont leurs apports et pour quelle partie de ces travaux ont-il été récompensés ? Exercice fort utile, puisqu'il n'existait pas d'ouvrage le réalisant convenablement en français (le seul ouvrage existant commettant des erreurs grossières tant sur l'orthographe des noms que sur le contenu des travaux).</p>
<p>Après une introduction présentant l'essentiel de l'historique et du mode d'attribution de ce prix, les auteurs distinguent trois périodes dans la politique d'attribution, qui servent d'articulations pour la suite. La suite en question fournit, sur une base chronologique, la biographie et un aperçu des travaux des lauréats. La minceur du volume (le format habituel de la collection) ne doit pas occulter le travail considérable des auteurs, qui ont fait l'effort de remonter aux articles originaux des auteurs récompensés.</p>
<p>Par nature, le format impose beaucoup de concision. Plutôt que de trop en dire, les auteurs ont su mettre en évidence l'apport conceptuel de chaque auteur, et fournir les références nécessaires à un éventuel approfondissement. Ce genre d'exercice impose naturellement des raccourcis qui font certes dresser le sourcil du spécialiste du domaine concerné mais permettent à mon sens de comprendre les idées essentielles dans les nombreux domaines déjà couverts par le prix. Des encadrés parsèment les fiches pour apporter des perspectives longitudinales, ou rapporter des anecdotes mettant un peu de vie dans ce paysage académique. De ce fait, l'ouvrage est bien plus plaisant à lire que ne le laisserait penser l'aspect de fiches, bien soutenu par une plume alerte des auteurs.</p>
<p>À l'intérieur même de chaque fiche, chaque auteur est également situé dans l'ensemble du paysage de recherche dans lequel il s'inscrit, ce qui permet de bien s'y retrouver entre les différentes écoles et chapelles, et de percevoir les continuités entre auteurs qui ont parfois travaillé dans des domaines assez différents.</p>
<p>Il s'agit ainsi d'un ouvrage de référence très agréable, de bonne facture, dont je conseille la lecture. Par égard pour les auteurs, j'ai même réussi à juguler mes envies de le piller intégralement pour enrichir les entrées Wikipédia sur les différents économistes concernés.</p>